On a entendu vendredi dernier le Philhar' dans sa forme des grands jours ! Question de chef d’abord, Vasily Petrenko a injecté son habituelle vigueur dans la Symphonie n°7 de Beethoven, mais également question de soliste. Dans le Don Quixote de Strauss, Isang Enders a fait preuve d’une éloquence doublée d’altruisme, qui en aurait remontré à bien des jeunes violoncellistes. Programme compact mais astreignant, magnifié par un pupitre de bois particulièrement soigneux ce soir.
La symphonie débute au fond du temps, dans une lourdeur délibérée, qui laisse augurer une interprétation plus ample que vigoureuse. Mais ce n’est que phase préparatoire (et respect scrupuleux de l’indication poco sostenuto) car Vasily Petrenko transforme l’épisode de notes répétées en un gigantesque tremplin, qui lui permet de s’installer avec une déconcertante facilité dans le Vivace.
Voici un mouvement, très profondément gravé dans nos mémoires, dont la notoriété peut enliser l’écoute… mais l’Allegretto n’aura pas ce pathétisme d’homme portant sa croix qu’on lui prête encore souvent. Le chef escorte les premières mesures dans une fermeté paisible, de telle sorte que, avant qu’un seul thème ne soit énoncé, s’est formée déjà une sorte de concrétion sonore appelant la plus pieuse écoute. Et dès que le pupitre de violoncelle chante, dans une souplesse de liant proprement miraculeuse, s’enclenche un murmure qui ne laisse aucun doute quant à son devenir exceptionnel. À peu près rien, ni l’indépendance formidable des voix, ni la tenue lointaine de la nuance piano, ne contreviennent à la sobriété initiale ; Vasily Petrenko garde l’esprit de marche intact.
Les équilibres restent impeccables dans la vélocité du Scherzo, dont l’Assai meno Presto, semble prendre racine dans le son : jeu d’adhérence et de mélasse. Vasily Petrenko joue avec les notes tenues, les faisant grandir jusqu’à l’insoutenable. Une fois reconnue la fidélité foncière du propos au moindre détail écrit, les avis peuvent diverger. Car le chef en fait presque trop dans le Finale, très enlevé, optant pour une dynamique à créneaux. Parti pris un rien iconoclaste, tout devient prétexte pour un effet de surprise : mais de ce fait même, les coups de timbales sont mués en tremblements, les bois sont pris au collet et n’ont guère de marge pour s’épanouir. Reste qu’on est tenu en haleine par la clarté implacable du propos, la prouesse physique !