Après leur concert éblouissant en janvier dernier, Les Dissonances reviennent à la Philharmonie, plus aimées que jamais par un public parisien féru et dévoué. Quel amour de la musique ! Quelle chaleur ! Exprimés avec cette simplicité et cette modestie qui caractérisent l’ensemble porté par David Grimal. Le choix des œuvres constitue aussi un point fort de l'orchestre, avec ce soir un programme entièrement russe qui fait se côtoyer des esthétiques très différentes : le très néoclassique Concerto pour violon de Stravinsky et la massive Symphonie n° 11 de Chostakovich, séparées par une belle surprise : A Paganini pour violon solo de Schnittke.
Les Dissonances ont la particularité de n’avoir pas de chef et David Grimal, quand il n’est pas au pupitre de premier violon, endosse le rôle de soliste. Dans le concerto, on est saisi de prime abord par sa promiscuité avec l’orchestre et par la manière dont le timbre du violon se mêle aux bois. Les motifs s’entrelacent, s’échangent, se courent après, dans un jeu de cache-cache plein d’inventivité et d'entrain. L'interprétation déborde d’une alacrité irrésistible, avec glissandos des cordes, babillage des flûtes et piaillement des hautbois. Les phrases sont éclatées dans les registres et les timbres. L’écriture par touches forme une mosaïque bigarrée, obligeant chaque instrumentiste à être sur le qui-vive. L’absence du chef se fait sentir, provoquant par moments des décalages rythmiques qui rendent l’équilibre bancal, sans toutefois menacer la fluidité de l'expression. Dans les passages chambristes, les rencontres singulières d’instruments créent des sonorités qui renvoient à un XVIIIe siècle décalé, comme ce duo violon-contrebasson plein de gouaillerie, ou ce trio entre deux flûtes et un violon qui nous fait planer très haut à la fin du troisième mouvement. Face à la pétulance de la « Toccata » initiale, les deux mouvements centraux instaurent un climat plus grave et solennel. Les doubles cordes de l’« Aria II » sont ainsi d'un lyrisme poignant. Le « Capriccio » final est un véritable bijou de fougue et d’inventivité, ciselé par les attaques aiguisées du soliste, les arabesques descendantes des flûtes et le mordant des bois. La théâtralité est ici de mise, et les musiciens savent à merveille transmettre la bonne humeur de cette partition.