Concert de clôture du 10ème festival Passe ton Bach d'abord

Acclamé avant même le début du concert, Michel Brun monte sur les marches afin d'annoncer les objectifs du programme. La première partie du concert sera une expérience autour de Bach et des musiques actuelles. S'en remettant au génie de l'écriture du cantor de Leipzig, le maestro propose de déconstruire les hiérarchies actuelles qui peuvent exister entre les époques. Pour ce faire, deux groupes déjà intervenus durant le festival ces derniers jours sont à nouveau mis à contribution, apportant leur touche jazz et klezmer aux harmonies baroques. La seconde partie, elle, sera consacrée à la Messe brève en sol mineur de Bach.

Krachta Valda, trio jazz, est le premier groupe à intervenir avec une adaptation de Django Reinhardt. Les accords suspensifs résonnent dans le cloître magnifiquement. Le groupe reprend ensuite la célèbre Aria de la Suite en ré majeur de Bach, façon jazz manouche, modifiant le rythme et le tempo mais conservant pratiquement intact le contour mélodique original. Dans la lignée de Django Reinhardt et de bien d'autres, le trio confirme bien la souplesse de l'écriture de Bach et son adaptabilité en termes d'instrumentation comme de style.

Vient l'Artichaut trio, amputé de leur percussionniste Frédéric Petitprez, retenu. Réduits au duo, Camille Artichaut à la clarinette et Pierre-Emmanuel Roubet à l'accordéon et au chant se lancent à leur tour dans de longues citations de Bach alors que la clarinette oscille largement entre gammes orientales et modalité. L'accent klezmer est très typé mais transporte facilement le public, d'autant que la présence scénique des deux musiciens est remarquable. Tapant du pied, Pierre-Emmanuel Roubet réintègre ainsi l'élément percussif manquant du trio, lui donnant une touche traditionnelle plus évidente encore. Quant à la cadence et les quelques traits classiques, ils ne paraissent nullement artificiels mais entrent en parfaite harmonie avec les accents d'Europe centrale. La suite des interventions fait la part belle à l'accordéon et au chant brut et plaintif de Pierre-Emmanuel Roubet, bientôt imité par la clarinette avec sensibilité et lyrisme.

Missa breva en sol mineur de Bach. C'est l'Ensemble baroque de Toulouse et le Chœur baroque de Toulouse qui seront cette fois les protagonistes. Le Kyrie introductif est particulièrement soigné sur le plan vocal et instrumental. Michel Brun rend parfaitement intelligible texte et lignes mélodiques, montrant sa maîtrise de l'écriture polyphonique du maître allemand. Le Gloria est sans doute moins limpide sur les vocalises initiales mais s'équilibre rapidement pour un final particulièrement brillant. Le premier solo vocal (Matthieu Toulouse) est extrêmement orné et vibré, avec des attaques très fortes mais des interventions parfois couvertes par l'ensemble. En soutien, l'orchestre affiche une sonorité collective d'autant plus remarquable que le nombre de musiciens le composant est réduit. La deuxième intervention solo (Cristelle Gouffé), sur le Domine Fili et l'Agnus Dei, est plus articulée même si toujours partiellement couverte par l'ensemble. La dernière et troisième intervention de soliste (Mattia Pelosi), pour le Qui tolis, est sans doute la plus réussie de la soirée alors que le maestro tire le maximum du timbre et de la douceur de ses vents. Le chœur intervient à nouveau pour le final sur le Cum Sancto Spirito et propose un Amen qui scotche le public.

Rendez-vous est pris l'année prochaine pour la Messe en si mineur, à la Halle aux Grains. Michel Brun prend congé avec le Kyrie, donné en bis. Krachta Valda, Camille Artichaut et Pierre-Emmanuel Roubet rejoignent alors l'orchestre pour une courte improvisation, tour à tour, en utilisant les cellules harmoniques baroques. Transformée en grille d'impro, la musique de Bach est décidément bien universelle : démonstration réussie pour l'Ensemble baroque de Toulouse et son chef !