Marc Zuili, flûtiste concertiste, professeur, héritier de l'enseignement de Jean-Pierre Rampal est directeur artistique des Rencontres Musicales de Clermont-de-l'Oise. Son projet, pour 2016 : rendre hommage à Jean-Pierre Rampal en souvenir des premiers concerts auxquels son maître l'invitait, remarquable bienveillance, pour jouer avec lui. Partageant cet honneur avec Shigenori Kudo, musicien japonais devenu l'un des plus grands flûtistes internationaux, il était naturel que celui-ci soit associé à cet hommage. Accompagnement confié à la jeune et brillante violoncelliste, Camille Thomas, à son véritable complice, le pianiste Julien Libeer. Parfaite complicité, aussi, entre Shigenori Kudo et Massanori Kobiki, pianiste, concertiste japonais, chef d'orchestre et accompagnateur.

Cet hommage offre une suite de pièces comprises entre Bach et Schubert avec détours par Fauré. Marc Zuili explique : "L'un des grands mérites de Jean Pierre Rampal est d'avoir remis en lumière ce répertoire, âge d'or de la flûte compris entre Bach et Schubert, fin du baroque et classicisme viennois, avec une multitude d'œuvres, de musique de chambre en particulier (Bach et fils, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, etc.)".

Le London Trio n° 4 pour deux flûtes et violoncelle en sol majeur, Allegro en introduction au programme, permet d'apprécier un partenariat parfaitement au point entre les 2 flûtes, tantôt ensemble à la tierce, tantôt s'échangeant alternativement des parties de vive dextérité. Illustration du propos de Haydn, désireux de séduire ses nombreux contemporains amateurs de flûte. Même agilité du violoncelle de Camille Thomas associée à la chaude sonorité de son instrument. Atmosphère raffinée et joyeuse de la musique de Haydn que prolonge son Trio pour piano, flûte (Marc Zuili) et violoncelle en ré majeur, Hob XV. 16 (publié en 1790). Julien Libeer y affirme dans les 1e et 3e mouvements, rythme et accents que la flûte et le violoncelle reprennent prestement. Le trio donne ainsi à la pièce une allure décidée délaissant d'une certaine façon l'effet "salon" que pourrait produire une telle formation. Dans le 2e mouvement, Andante piuttosto Allegretto, le piano s'efface davantage, donnant ainsi à la flûte, efficacement soutenue par le violoncelle, la première place, lumineuse. Le dernier mouvement autorise Marc Zuili à se jouer des multiples staccatos et legatos successifs.

Camille Thomas et Julien Libeer sont de nouveau présents pour une Sicilienne, op. 78 de Fauré, hommage original à la flûte puisqu'on peut trouver la partie de violoncelle transcrite pour la flûte. Le piano de Julien Libeer sonne encore, avec énergie, nourrissant un dialogue contrasté et harmonieux avec l'accent plus romantique du violoncelle. Shigenori Kudo subtilement accompagné par Massanori Kobiki vient clore la première partie avec Introduction, thème et variations sur le lied "Trockne Blümen" D. 802 (janvier 1824) de Schubert. Le son de la flûte remplit l'espace avec puissance et finesse. On retient notamment les somptueuses harmoniques et la vélocité éclatant en particulier dans la 5e variation.

La seconde partie est conséquente : London Trio pour deux flûtes et violoncelle n° 3 en sol majeur de Haydn, Andante de la Sonate en ré majeur K 448 de Mozart transcrit pour 2 flûtes et piano, Sonate pour deux flûtes et basse continue en sol majeur BWV1039 de J.-S. Bach. S'y intercale, sur le mode de l'interlude, un second duo violoncelle et piano de Fauré : l'Élégie, op. 24 : le piano d'abord discret suivant la ligne générale crescendo puis decrescendo d'un violoncelle enflammé par la sensibilité toute généreuse et inspirée de Camille Thomas. Le London Trio n° 3 de Haydn, avec ses trois lignes musicales, 2 flûtes et violoncelle, qui ne cessent de se doubler, se renverser, se croiser, se décaler, exige une parfaite coordination des exécutants ; qualités techniques auxquelles s'ajoute un caractère quasi ludique dont le plaisir est partagé par le public. Une œuvre que le musicologue Marc Vignal considère, avec les 3 autres London Trios comme l'un des sommets de la musique, en particulier de la musique de chambre avec flûte. L'Andante pour 2 flûtes et piano proposé ensuite est extrait et transcrit depuis la Sonate pour deux pianos K 448 de Mozart. Les deux thèmes de nature mélodique marqués d'une certaine tendresse sont d'autant plus sensibles que les flûtes font valoir à elles deux l'ampleur et la richesse de leurs timbres, encore accentuées par celles du piano.

En guise de bouquet final, la Sonate BWV 1027 de Bach, une œuvre qui existe également en version pour viole de gambe et clavecin. Ici, 2 flûtes accompagnées d'une basse continue : violoncelle et piano. Cette configuration bien fournie sert, dans le 1e mouvement, un jeu tout en retenue créant une atmosphère presque recueillie et dans le 2e mouvement une interprétation vive et dansante. L'Andante est rythmé par les discrets accords plaqués sur lesquels Julien Libeer sait édifier une bonne part du caractère méditatif du mouvement. L'Allegro moderato couronne le superbe témoignage de l'empreinte laissée par Jean-Pierre Rampal donnant à la flûte contemporaine ses lettres de noblesse.

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