Le Festival de Froville s'inscrit comme un des hauts-lieux voués à la musique baroque sacrée. Relativement à l'écart de centres urbains ou touristiques, l'église de Froville-La-Romane avec sa chaude acoustique et son environnement, accueille de grands noms : Ensemble Matheus et Jean-Christophe Spinosi, Jordi Savall, Hopkinson Smith, Chapelle Rhénane, Philippe Jaroussky, pour n'en citer que quelques uns en 2016. Le festival a également pour but la découverte de nouveaux talents et d'initiatives particulières. Ainsi, il vient d'inviter l'ensemble Les Accents, réunissant instrumentistes et chanteurs confirmés autour de Thibault Noally (premier violon des Musiciens du Louvre), et qui développe depuis 2 ans le projet de mettre en valeur le répertoire sacré italien de l'époque baroque. 

Blandine Staskiewicz ouvre le concert avec le motet de Vivaldi In furore iustissimae irae. Sa voix a toutes les qualités requises pour épouser de manière absolument rigoureuse non seulement les ornementations, les gammes, le phrasé mais aussi, de superbe façon, le contraste entre volumes contraires qui abondent dans la partition. La voix est puissante, souple et claire, toujours immédiatement placée. La rançon de ces qualités, comme d'autres ont pu le noter par ailleurs, est celle d'un timbre qui demeure un peu figé dans cette rigueur au point de laisser percevoir parfois une dureté qui tend d'ailleurs à disparaître dans les passages les plus brillants, tel l'Alleluia final. L'orchestre est constitué d'une petite formation (6 cordes et un orgue ou clavecin). L'accord entre les instrumentistes est très satisfaisant (attaques, musicalité, réglage concertés) quand bien même cet harmonieux ensemble, servi par une acoustique qui donne l'impression d'entendre une formation bien plus étoffée, peut être sujet parfois à quelques entorses. Il n'en est rien lorsque emmené par la fougue et la virtuosité de son chef et violon solo, Thibault Noally, il ravit l'assistance dans le concerto de Vivaldi.

Il revient à la contralto Delphine Galou de clore cette première partie consacrée au « prêtre roux » en donnant le motet Vos invito barbarae faces. Si les instruments de la basse ne donnent peut-être pas tous suffisamment de couleur et de clarté à l'introduction, ils viennent rapidement constituer un chatoyant accompagnement pour une partie de contralto difficile dans sa composition quelque peu paradoxale : il s'agit de faire briller une belle et profuse ornementation dans un registre vocal relativement grave. En dépit de son très beau timbre, Delphine Galou ne peut empêcher que ne soient plus ou moins perceptibles les efforts à fournir pour maintenir puissance et souffle tout du long de ces phrases longues et techniquement exigeantes. Dans la seconde aria: Sunt delitiae (Largo), son beau timbre grave donne sa pleine mesure : il sert une profonde intériorité en même temps qu'il s'associe à une forme d'expression proférant comme une parole prête à engager un dialogue avec le public : la voix chantée tout entière au service de la parole sur le ton de l'exhortation et de la sincérité. L'Alleluia final vient conclure avec brio cette première partie de la soirée.

Après son écoute, on pouvait s'inquiéter un peu du risque pour le Stabat Mater de Pergolèse, d'un contraste trop fort entre les deux solistes : Blandine Staskiewicz, Mezzo-soprano en extériorité, en puissance et en portée de voix appropriées à de vastes espaces, à de vastes assistances et Delphine Galou, contralto, qui sait bien entendu projeter sa voix lorsqu'il le faut mais toujours avec un volume et un ton plus proche de la conversation, de l'échange. Quoi qu'il en soit, ces deux artistes, à quelques exceptions près, ont su composer l'une avec l'autre.

Musiciennes et musiciens confirmés qu'une coopération suivie portera - et a déjà porté - aux premiers plans du monde musical baroque.

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