Derrière le drame de la jeune romaine chrétienne Théodora se dessine celui de l’humanité parfois sommée de choisir entre sa foi et la mort, le courage et la lâcheté, la clémence et la sanction. La mise en scène contemporaine n’en rend ces sujets que plus criants.
Dès l’introduction solennelle, le décor de murs ocres et l’exécution sommaire d’un homme, le ton de l’oratorio est donné. Nous voici plongés dans une lutte sans merci entre le pouvoir temporel incarné par Valens, le gouverneur d’Antioche, et des opposants religieux, chrétiens dénoncés par leur refus de vénérer les idoles. Sur cette intrigue politique se superpose l’histoire d’amour de Theodora, romaine convertie au christianisme – magnifique passage où elle se dépouille de ses vêtements noirs luxueux trahissant ainsi sa classe, pour revêtir une simple tunique blanche – et de Didymus – officier qui s’est converti par amour. Autour de ces personnages centraux évoluent Septime, ami de Didymus, qui se révolte mais n’obtient gain de cause et Irène, confidente de Theodora, dont l’espérance confine parfois à l’aveuglement.
La mise en scène de Stephen Langridge oppose deux mondes, celui des Romains où règnent les ténèbres – ils sont tous habillés en noir - le vice – la scène d’orgie de l’acte II oscille entre le burlesque et le tableau de genre, les soldats qui viennent chercher Theodora et servent Valens sont au nombre de six… – et celui des Chrétiens où règnent l’espérance et la dévotion avec des scènes de groupe autour de livres et de bougies. Une opposition qui peut paraître facile mais qui permet aux personnages principaux d’évoluer de l’un à l’autre avant de trouver la mort devant le mur où d’autres innocents ont péri avant eux. Cette mise en scène nous invite à nous interroger sur notre rôle dans la société : sommes-nous ces courtisans serviles qui achètent leur conscience, cet officier tolérant – Septime – mais au final impuissant à sauver son ami – ces jeunes gens purs et intransigeants qui courent à la mort ?
Le message d’Haendel est par ailleurs servi par la direction sobre et efficace de William Christie qui ne gêne en rien l’action et des chœurs remarquables, notamment dans les aigus de la scène sur la résurrection, alternant entre violence des Romains et compassion des Chrétiens.