Les Flâneries musicales de Reims battent leur plein, et l’Ensemble Sequenza 9.3 s’installe dans le Palais du Tau pour son concert dans cet édifice classé aux monuments historiques et qui jouxte la célèbre cathédrale. C’est dans ce fabuleux écrin, entre l’imposante cheminée, les grandes tapisseries et sous l’admirable charpente de l’ancien siège épiscopal, que Catherine Simonpietri et son ensemble vocal proposent au public rémois un dialogue entre les siècles, de Bach à Hersant. Si les trois œuvres contemporaines du compositeur, présent dans la salle, surent toucher le public, les musiciens se sont montrés moins à l’aise dans le répertoire baroque.

Philippe Hersant, dont l’œuvre entière est jalonnée de pièces influencées par la musique ancienne, entretient une étroite relation avec l’ensemble – il écrivait en 2016 avoir été « frappé par son engagement au service d’un répertoire ardu et exigeant ». Il est vrai que l’interprétation ce soir des œuvres du compositeur ne fait que confirmer ce diagnostic, tant les musiciens captivent le public dans leur répertoire de prédilection. L’effectif est peu ou prou le même que dans Scarlatti, avec la viole de gambe (tenue par Lucile Boulanger) placée au milieu des chanteurs, à côté de la cheffe. Hersant donne en effet un rôle prépondérant à cet instrument : les premières mesures de l’Angelus Silesius sont confiées à la viole, qui construit une mélodie au caractère presque improvisé sur une note qui revient en ostinato, de manière obsessionnelle, avant que n’entrent les basses du chœur, déterminées et solides.

Le Stabat Mater est encore plus saisissant : les enchaînements harmoniques, reprenant des éléments du langage baroque, et les mélodies déstructurées mais toutes entremêlées forment une musique idéalement expressive, qui vient se terminer sur un accord lumineux, et sur des pizzicati de viole inédits. La dernière partition, Auf die ruhige Nacht-Zeit, fait entendre des échos de musique hébraïque à la viole, quand la cheffe, au geste net et fluide, arrive à tirer un beau recueillement de son ensemble, où les lignes des voix graves et aigus se croisent et s’éloignent dans un jeu de clair-obscur délicat. Le compositeur viendra saluer tout sourire avec les artistes, ayant réussi le tour de force d’effacer une fois de plus les frontières esthétiques et temporelles dans un vrai dialogue musical.

La première partie consacrée au baroque (Crüger, Bach et Scarlatti) nous aura laissé en revanche bien plus sur notre faim. Hormis l’œuvre a cappella de Crüger, à la fois douce et précise dans l’articulation et les équilibres, les deux autres pièces convainquent beaucoup moins. Le Jesu meine Freude, interprété à cinq chanteurs seulement et continuo, paraît bien fragile vocalement, avec une intonation fluctuante et de fréquents décalages qui obligent la cheffe à durcir et raidir son geste, quitte à en ôter toute expressivité. Le Stabat Mater de Scarlatti sera du même acabit : malgré un effectif plus important, l’ensemble et leur cheffe ne parviennent pas à trouver la cohésion et l’énergie nécessaires, laissant l’auditeur sur le bord de la route. C’est d’autant plus frustrant a posteriori au vu de la somptueuse deuxième partie offerte par les musiciens, qui saura montrer toutes les qualités de l'ensemble dans un répertoire qui leur sied sans doute mieux.


Le voyage d'Augustin a été pris en charge par les Flâneries musicales de Reims.

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