Chaque année à Deauville, des générations d'interprètes se rencontrent sur scène. Le répertoire de chambre, par essence celui de la complicité, est la raison d'être du festival « Août musical ». Maître-mot de ce concert au programme entièrement romantique, la complicité des musiciens a révélé les subtilités insoupçonnées de partitions célèbres. Soirée heureuse donc, mais plus encore promesse de pérennité pour le festival et les prochains talents qui raviront le public de la salle Élie de Brignac.
Pierre Fouchenneret et Guillaume Bellom ouvrent le concert. Les premiers accords de la Sonate pour violon et piano n° 2 de Schumann résonnent par des gestes amples et généreux. Cet engagement du corps ne laisse place à aucun artifice ; il ne peut être qu'au service du son. En cela, l'imperturbable archet de Pierre Fouchenneret, d'une densité de timbre remarquable, et l'intelligence du jeu de Guillaume Bellom parviennent à révéler de cette partition vaste et souvent donnée des richesses qu'une interprétation trop peu consciencieuse occulterait. Ici, on a privilégié un ton sérieux, une apparente gravité qui pour autant ne saurait lasser : les idées musicales sont sans cesse renouvelées. La subtilité, souvent microcosmique, s'exprime en une ligne mélodique émergeant de l'accompagnement, en un rubato léger qui isole un élément pour le souligner. La grandeur n'est cependant pas en reste et sait éclater au moment opportun, révélant dans les exclamations aiguës du violon ou les commentaires saillants du piano une vigueur qui sous-tend le premier mouvement.
Les deux mouvements centraux rayonnent par la vivacité avec laquelle le duo les aborde : cette légèreté ne sacrifie jamais à la concentration du son, en témoignent les pizzicati qui ouvrent le « Leise, einfach », conduits avec fermeté. Le dernier mouvement attise une énergie, un souffle chez les musiciens qui choisissent des tempos oscillant entre une irrésistible fuite en avant et une mesure profondément ancrée. Cette liberté de jeu permet à chaque relief de la partition de s'épanouir, trouvant en ce point d'équilibre où s'affrontent des ambiances et des nuances antagonistes l'occasion de contrastes fructueux.
Quatre des Huit pièces pour clarinette, alto et piano de Max Bruch complètent la première partie. Partition d'un romantisme tardif, elle trouve en l'expressivité et la sensibilité de Lise Berthaud (alto), Amaury Viduvier (clarinette) et Ismaël Margain (piano) des interprètes idéaux. Le timbre chaud de l'alto rencontre celui davantage brillant de la clarinette. Ils entretiennent ensemble un dialogue sous l'œil ou plutôt l'oreille attentive du piano, le plus souvent en retrait. Poursuivant un effort constant d'homogénéité sinon de complémentarité des sonorités, le trio ne rencontre aucune sorte de dissonance, notamment dans des unissons exemplaires. L'emportement de nuances passionnées gagne par endroits les musiciens, mais ces derniers veillent toujours à conserver la qualité du tissu sonore.