Ce lundi 11 janvier se tint à la salle Gaveau un récital de Lukas Geniusas, jeune pianiste russo-lituanien né en 1990 à Moscou. Révélé notamment en obtenant un deuxième prix au concours international de piano Frédéric Chopin en 2010 et maîtrisant un vaste répertoire s’étendant de la musique baroque à la musique contemporaine, il nous offrait ce soir un programme autour de Beethoven, Brahms, Bartók et Prokofiev.
Le concert commença avec la Sonate pour piano n°5 en ut mineur opus 10 n°1 de Beethoven. Je fus assez partagé en entendant le premier mouvement Allegro molto e con brio, car malgré l’élégance du son il y manquait sans doute une conviction pourtant nécessaire, notamment dans les contrastes et dans la conduite des phrases qui parfois s’étouffaient. Mais au regard du reste du concert qui fut extrêmement convainquant, ce petit écart initial n’était-il sans doute dû qu’à un manque de concentration, une difficulté à se plonger immédiatement dans la musique. En effet, le deuxième mouvement fut quant à lui splendide ; tout dans la finesse du jeu de Lukas Geniusas, dans la subtilité de son toucher et dans la conduite des phrases, dans l’acoustique si intime de la salle Gaveau, rendait touchantes la vulnérabilité et la délicatesse de cette musique, enveloppant le public dans une bulle feutrée et infrangible. Puis dans le dernier mouvement Prestissimo, par un toucher aussi précis que véloce et audacieux le pianiste nous fit nous entendre une musique au caractère superbement joueur, espiègle et chafouin.
Ce fut un autre allemand, Brahms, qui nous fut ensuite donné d’entendre avec la Sonate pour piano n°1 en ut majeur, op. 1 et qui permit de révéler le jeu intelligent et contrasté de Lukas Geniusas. La mélodie du second mouvement, servant de matériau de base à une série de variations, est d’une grande tendresse, telle une caresse d’une délicate ténuité qui s’offre à notre oreille, servie ici par de remarquables nuances doucement feutrées. Saluons enfin l’interprétation subjuguante du Finale. Avant le concert d’hier soir, je ne trouvais pas grand intérêt à ce dernier mouvement, le considérant comme un mouvement d’un emportement tapageur et pompeux, d’une déclamation si lourde qu’elle en devient creuse. C’est donc avec un a priori négatif que je m’apprêtais à entendre ce final. Or, dès les premières notes, je fus fasciné par ce que j’entendis. Alors que je m’attendais à de la lourdeur, tout ne fut que fulgurance ; l’incroyable prise de risque technique que constituait la vivacité audacieuse du tempo alliée avec la plus grande subtilité dans les attaques et les nuances participait d’une dynamique endiablée inouïe par sa pétulance et son mordant.