Depuis sa rentrée, il tient à cœur à l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo de rendre hommage au Prince Albert Ier – dont l'année 2022 marque le centenaire de la disparition – à travers une série de concerts intitulée « Commémoration Albert Ier ». Afin de célébrer l’événement comme il se doit, l’ensemble monégasque a convié le brillant Truls Mørk au sein d’un programme consacré à Gounod, Saint-Saëns et Franck, compositeurs chers au prince défunt. Entre intensité et suavité, récit d’une soirée placée sous les plus poignants auspices à l'Auditorium Rainier III.

En principauté, novembre est le mois des hommages princiers. Quelques jours après avoir accompagné Plácido Domingo venu célébrer la fête nationale, l'OPMC fait désormais cap sur les horizons symphoniques si appréciés par le « prince navigateur ». Le rideau s’ouvre sur les textures galantes de la Symphonie n° 1 de Gounod. On salue dès lors les contrastes dynamiques particulièrement marqués, apportant relief et expression à l’écriture classique du compositeur français. Sur les denses nappes sonores formées par les cordes, se détachent quelques lignes fuguées interprétées par les bois. Au fil des mouvements, l’écoute se porte vers le pupitre de violoncelles, tout spécialement animé et affirmé. Ces derniers dominent continuellement les dialogues instrumentaux avec les autres sections. Le troisième mouvement annonce le temps des célébrations aux effusions sautillantes et aux mélodies dansantes. La pièce se termine par un engagement plus soutenu de la part des musiciens, conduisant efficacement le tout vers la brillance caractéristique du finale.
Les réjouissances se poursuivent avec l’entrée du violoncelliste norvégien Truls Mørk. Au programme, le Concerto pour violoncelle n° 1 de Camille Saint-Saëns, pièce qu’affectionne particulièrement le soliste, qui lui a consacré un enregistrement en 2016. Dès les premières mesures, le musicien lie expressivité du discours et pirouettes techniques. Jouant de mémoire, il ponctue l’ensemble des notes tenues par un vibrato généreux. Capable d’enchaîner les graves les plus vrombissants aux fins harmoniques du registre aigu, l’artiste fait virevolter son instrument au gré des phrasés mélodiques. Son coude droit parfaitement mobile mime le geste de l’envol. Dépourvu de masque, son visage reflète une empathie certaine avec le jeu léger du reste de l’orchestre. Sans qu’il ait à lutter, la sonorité claire du virtuose s’impose sans prendre le pas sur le tutti. Dans les traits fougueux comme lors des thèmes chantants, son regard porté vers le haut suggère une posture à la fois digne et onirique, comme s’il percevait une inspiration divine. Un volubile hommage à l’amitié entretenue entre le prince et le compositeur.
Le concert se termine avec la Symphonie en ré mineur de César Franck, unique pièce du genre composée par l’artiste français. La direction du chef et directeur artistique Kazuki Yamada est sobre et parsemée de mouvements giratoires. Sa posture, stable et ancrée, lui permet de moduler les nuances orchestrales avec finesse et précision. On apprécie surtout l’emploi d’une large variété de dynamiques venant habiter le discours. À mesure des répétitions, les interventions typiques du cor anglais se font davantage éloquentes. Du côté des cordes, Liza Kerob, au poste de Konzertmeister, brille par une vivacité remarquable, rendue par des mouvements respiratoires intensifiés. Éclats des cuivres, impulsions rigoureuses des timbales et retour du thème triomphant ; la représentation conclut en fanfare sous un tonnerre d’applaudissements émanant d’une audience conquise.