Manon Galy est de retour dans sa ville natale ! Pour la troisième date de la saison organisée par l'association toulousaine Les Arts Renaissants, la violoniste, révélation soliste instrumental des Victoires la musique classique 2022, était invitée avec son Trio Zeliha pour un programme romantique jouant sur les contrastes, avec à l'affiche Franz Schubert et Johannes Brahms.

Le Trio Zeliha dans l'Auditorium Saint-Pierre des Cuisines © Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants
Le Trio Zeliha dans l'Auditorium Saint-Pierre des Cuisines
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

Après avoir présenté brièvement les œuvres et exprimé son enthousiasme à l'idée de jouer à Toulouse à nouveau – et plus particulièrement dans l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, lieu phare de la musique de chambre dans la Ville rose –, Manon Galy se lance dans un Trio opus 100 de Schubert durant lequel l’équilibre restera perfectible. Côté cordes frottées, glissandos et vibrato sont très contrôlés et discrets, alors que le piano de Jorge González Buajasán a tendance à régulièrement prendre le pas sur les deux autres instruments dans l’ensemble des mouvements. Les thèmes sont bien articulés au piano mais très effleurés au violon. Si les motifs principaux et les passages forte s’affirment avec éloquence et si le trio affiche une incroyable justesse, notamment lors des sauts d’octaves en tutti, le violon de Manon Galy disparaît lorsqu’il passe en pizzicati ou en accompagnement. L’Andante bien connu ne donne pas place à une surinterprétation romantique, avec par exemple quasiment aucun rallentando. À l’image du staccato du dernier mouvement, parfaitement millimétré, ce trio de Schubert est donné avec application et sans pathos.

La seconde partie se fait attendre... Manon Galy indiquera que le trio pensait avoir droit un entracte alors que ce dernier n'était pas prévu par l’organisation ! Arrive alors le Premier Trio opus 8 de Brahms dans sa première version – le compositeur reprendra de fond en comble, quasiment 40 ans plus tard, ce trio qui ne semblait pas lui convenir. On gagne davantage en vibrato et en liberté sur les tempos, quitte à perdre – mais très rarement – un peu de justesse. La violoniste s’affirme davantage sur les forte, notamment face au piano, donnant un ensemble plus engagé et équilibré. On est désormais à l’autre bout du romantisme, beaucoup plus cinglant et cyclothymique. D’une belle énergie, le violoncelliste Maxime Quennesson continue sa moisson de crins, déjà bien entamée lors de la première partie, ce alors que Jorge González Buajasán, tout en restant dans une articulation très fine des idées musicales, plonge davantage dans les couleurs et s’apparie mieux avec ses collègues. Le contraste avec la première partie est assez clair.

Loading image...
Manon Galy, Jorge González Buajasán et Maxime Quennesson
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

Les bis élargiront les perspectives stylistiques et historiques avec tout d’abord le finale du Trio opus 39 de Joseph Haydn. Ce « Gypsy Rondo » reste très mesuré à nouveau sur l’interprétation : il est exécuté avec minutie, mais sans lourdeur et sans couleur caractéristique d’une quelconque musique populaire tzigane. Seuls les accords plaqués en tutti rappellent discrètement les sonorités lointaines du cymbalum. Devant un public conquis, le trio enchaine avec le prélude des Cinq Pièces pour deux violons et piano de Dimitri Chostakovitch, ici pour violon, « gros violon » et piano, comme l’indique non sans humour Maxime Quennesson. Le rendu est original et convaincant, bien que moins équilibré que dans la version d’origine. Si Haydn a semblé répondre à Schubert, avec une expressivité très contenue et mesurée, cette lecture de Chostakovitch a rappelé Brahms dans l’amplitude des nuances et un pathos romantique plus développé.

***11