Happé par les Grands Interprètes au milieu d’une tournée européenne, le Bach Collegium Japan fait escale à Toulouse. Non pour y donner une de ces cantates qui ont fait leur notoriété au disque, ni pour une autre Passion après la saint Jean de l’année dernière à la Halle aux grains, mais dans un programme intégralement consacré à Mozart.

Masato Suzuki © Marco Borggreve
Masato Suzuki
© Marco Borggreve

La Quarantième Symphonie, qui ouvre la soirée avant le Requiem que tous attendent, n’est en rien une simple mise en bouche ; tendu, nerveux sans recherche du legato, tirant un son d’ensemble impressionnant, l’orchestre est éblouissant. On est en pleine nature : cordes en boyaux, archets courts en crin, cors naturels, timbales à peau animale, jusqu’à la plume d’oiseau qui permet aux hautboïstes de nettoyer le corps de leur instrument, tout se fond dans une identité sonore typée et juste. Masato Suzuki dirige sur le temps, complètement « avec » ses musiciens, à deux bras, volontiers couché en avant vers les instrumentistes, presque à genoux pour implorer de la douceur, vibrant d’une gestuelle dynamisante et jamais violente.

Dès les premières notes du « Molto Allegro », les altos divisés installent une inquiétude ahanante. Les basses sont souples, discrètes et solides. Les violons ne sont pas toujours unis et justes, mais on est tellement sous la coupe du charme puissant des bois que tout passe ! Que cela chante bien ! Farouche et déterminé, le « Menuet » est un bijou d’accents, variés, nerveux et jamais secs. Soumises à rude épreuve dans le finale, les cordes tiennent bon : face aux tenues habitées et armées d’intentions, face aux traits virtuoses, on est malmené, secoué, plongé avec violence dans une angoisse indicible.

Heureusement, une longue pause nous sépare du Requiem : prenons un peu d’air entre le sol mineur inoubliable de la symphonie et la messe des morts qui suit ! L’« Introït » montre un orchestre à l’os, rude, sans complaisance, serviteur d’un chœur rigoureux et brillant. Les chanteurs ne sont jamais pris en défaut, ni dans les fugues du « Kyrie » ou du « Quam olim Abrahae » attaquées à un tempo nerveux, ni dans les contrastes du « Confutatis ». Hélas ce bel ensemble est gâché par une basse prédominante, systématiquement en-dehors dans les extinctions ou dès la nuance forte. Le quatuor de solistes est toutefois équilibré. L’alliance basse-trombone du « Tuba mirum » est d’une souplesse et d’une rondeur accomplies. Et si on se laisse convaincre par cet « Amen » fugué reconstitué par Suzuki, on ne comprend pas trop pourquoi il se glisse à la fin du « Lacrimosa » plutôt qu’ailleurs.

Le concert aurait pu voire dû s'arrêter sur la magnifique reprise du « Kyrie », quand chef, orchestre et chœur nous transportaient avec bonheur, mais le programme a prévu l’Ave verum corpus K618 pour conclure. Poser ici cette petite pièce, tube absolu du moindre chœur paroissial, quelle drôle d’idée…

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