Depuis cinquante ans, le Nash Ensemble porte son public au cœur, et réciproquement. Une résidence londonienne au Wigmore Hall, des enregistrements de référence et un rôle de pionnier dans la création contemporaine ont élevé cette figure de proue de la musique de chambre au rang de véritable institution. Il y a ainsi une vraie tendresse éprouvée à se rendre aux célébrations de son anniversaire, une vraie reconnaissance à témoigner. Le repas de fête était copieux ; trois heures de musique incluant un pré-concert, un effectif largement déployé, et une délicieuse cerise invitée, la mezzo-soprano Sarah Connolly.
Aléa d'un soir ou crise de la cinquantaine, la première partie du concert a pourtant quelque peu déçu. Le Quintette pour vents et piano en mi bémol majeur de Mozart est d'abord embrassé avec ardeur : la belle modestie des vents, formant un son d'ensemble remarquable, laisse la parole concertante au pianiste Tim Horton, dont le jeu clair et articulé, presque sans pédale, démontre une intelligence sensible au texte. La lumière qui émane de la création mozartienne rend naturel l'équilibre des timbres et des contrastes, et le phrasé nous apparaît avec évidence. Mais lorsque dans le Larghetto, les vents deviennent solistes à leur tour, la timidité expressive de chacun fait du discours un propos sage et honnête, sans grand cachet. Le délicat accompagnement du pianiste donne néanmoins assez de saveur pour nous permettre de réaliser par l'idée seulement l'émotion promise. Mais avec l'Allegretto final, nous restons figés à notre siège, une interprétation visiblement laborieuse empêchant tout sentiment d'élévation.
Une même tension s'exprime dans l'arrangement des Rückert-Lieder. On voudrait s'envoler avec la sublime voix de Sarah Connolly, bouleversante, toute entière vouée à la compréhension du texte, mais est-ce la trop grande franchise d'attaque des vents ou la maladresse de la transcription, nous ne ressentons rien. Les musiciens se sentent comme forcés de doubler leur volume sonore habituel, n'assumant manifestement pas le côté chambriste de la nouvelle partition. Même la harpe, l'instrument de paix chez Mahler, pince ses graves comme un poing frappé sur la table. Quant à l'ajout du piano dans Um Mitternacht, il porte un caractère grotesque assez malvenu. On cherche désespérément à isoler la beauté du chant, mais malgré de nombreux efforts, il est presque impossible de se laisser toucher par le Ich bin der Welt abhanden gekommen.