Une belle tradition veut que l’État membre qui occupe la présidence semestrielle du Conseil des ministres de l’Union européenne présente au public bruxellois un concert mettant en valeur des musiciens originaires de ce pays. Ne dérogeant pas à cet usage qui permet en plus d’offrir une belle vitrine à des compositeurs, des formations et des solistes qu’on entend que rarement dans la capitale de l’Europe, la présidence polonaise avait délégué au Palais des Beaux-Arts l’Orchestre symphonique national de la radio polonaise pour un concert qui s’insérait également dans le cadre du Klarafestival, dont l’édition 2025 a pour devise un assez mystérieux « We are now ». Placé sous la direction de sa directrice artistique et cheffe principale Marin Alsop, l’ensemble basé à Katowice proposait à une salle très bien remplie un programme exclusivement polonais, ce dont nul ne se plaindra.
Quelle bonne idée de débuter le concert par une œuvre méconnue d’une compositrice qui ne l’est pas moins ! Si le nom de Grażyna Bacewicz est souvent cité, sa musique invariablement intéressante et de qualité est rarement entendue en dehors des frontières de son pays natal. Raison de plus pour apprécier cette rare Suite pour orchestre de 1931, fermement ancrée dans le néo-classicisme qu’affectionnait cette élève de Nadia Boulanger, également violoniste virtuose et excellente pianiste. On sent bien l’esprit de l’époque dans cette œuvre où il est clair que Bacewicz connaissait les créations contemporaines de Hindemith, Poulenc ou Stravinsky. On y retrouve également d’évocatrices réminiscences des big bands de jazz de l’époque. Sous la battue claire et efficace de Marin Alsop, l’orchestre aux cordes sous-vitaminées se montre vaillant mais peu raffiné toutefois.
C’est Karol Szymanowski qui se taille la part du lion dans ce programme, avec d’abord sa Quatrième Symphonie « Concertante » pour piano et orchestre. On est très curieux d’y entendre Szymon Nehring, jeune pianiste polonais précédé d’une belle réputation. Le soliste joue certes avec une belle liberté et une solide technique, mais il ne fait malheureusement qu’effleurer la part de mystère que charrie cette musique, en particulier dans le mouvement lent, cette espèce de nocturne aquatique au fort parfum debussyste où le piano dialogue avec la flûte et l’alto, réminiscence certainement voulue de la Sonate pour flûte, alto et harpe du compositeur français. Le finale est marqué par un bel élan rythmique, mais tant le piano que l’orchestre ignorent cet art de la demi-teinte si caractéristique de la musique de Szymanowski. Tout ceci débouche sur une exécution correctement jouée mais qui laisse l’auditeur sur sa faim, faute de vraie interprétation de la part du pianiste comme de la cheffe.