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L'Orchestre de la radio polonaise en digne ambassadeur à Bruxelles

Von , 26 März 2025

Une belle tradition veut que l’État membre qui occupe la présidence semestrielle du Conseil des ministres de l’Union européenne présente au public bruxellois un concert mettant en valeur des musiciens originaires de ce pays. Ne dérogeant pas à cet usage qui permet en plus d’offrir une belle vitrine à des compositeurs, des formations et des solistes qu’on entend que rarement dans la capitale de l’Europe, la présidence polonaise avait délégué au Palais des Beaux-Arts l’Orchestre symphonique national de la radio polonaise pour un concert qui s’insérait également dans le cadre du Klarafestival, dont l’édition 2025 a pour devise un assez mystérieux « We are now ». Placé sous la direction de sa directrice artistique et cheffe principale Marin Alsop, l’ensemble basé à Katowice proposait à une salle très bien remplie un programme exclusivement polonais, ce dont nul ne se plaindra.

Marin Alsop
© Nancy Horowitz

Quelle bonne idée de débuter le concert par une œuvre méconnue d’une compositrice qui ne l’est pas moins ! Si le nom de Grażyna Bacewicz est souvent cité, sa musique invariablement intéressante et de qualité est rarement entendue en dehors des frontières de son pays natal. Raison de plus pour apprécier cette rare Suite pour orchestre de 1931, fermement ancrée dans le néo-classicisme qu’affectionnait cette élève de Nadia Boulanger, également violoniste virtuose et excellente pianiste. On sent bien l’esprit de l’époque dans cette œuvre où il est clair que Bacewicz connaissait les créations contemporaines de Hindemith, Poulenc ou Stravinsky. On y retrouve également d’évocatrices réminiscences des big bands de jazz de l’époque. Sous la battue claire et efficace de Marin Alsop, l’orchestre aux cordes sous-vitaminées se montre vaillant mais peu raffiné toutefois. 

C’est Karol Szymanowski qui se taille la part du lion dans ce programme, avec d’abord sa Quatrième Symphonie « Concertante » pour piano et orchestre. On est très curieux d’y entendre Szymon Nehring, jeune pianiste polonais précédé d’une belle réputation. Le soliste joue certes avec une belle liberté et une solide technique, mais il ne fait malheureusement qu’effleurer la part de mystère que charrie cette musique, en particulier dans le mouvement lent, cette espèce de nocturne aquatique au fort parfum debussyste où le piano dialogue avec la flûte et l’alto, réminiscence certainement voulue de la Sonate pour flûte, alto et harpe du compositeur français. Le finale est marqué par un bel élan rythmique, mais tant le piano que l’orchestre ignorent cet art de la demi-teinte si caractéristique de la musique de Szymanowski. Tout ceci débouche sur une exécution correctement jouée mais qui laisse l’auditeur sur sa faim, faute de vraie interprétation de la part du pianiste comme de la cheffe. 

Heureusement, les choses vont changer du tout au tout après l’entracte. C’est en effet un orchestre proprement métamorphosé qu’on entend dans la « Chaconne » de Krzysztof Penderecki de 2005, ajout au Requiem polonais et dédiée à la mémoire de Jean Paul II. Les cordes de la radio polonaise sont ici sûres et sonores, conduites dans une interprétation à la fois digne et intense par une cheffe qui enfin s’implique.

Cette même implication marquera une très belle interprétation du merveilleux Stabat mater de Szymanowski, où s’illustrera également le Chœur NFM de Wrocław, préparé par Pierre-Louis de Laporte et ayant l’immense avantage de chanter dans sa langue. Parmi les trois solistes du chant, c’est la soprano française d’origine sud-africaine Erica Eloff qui fait la plus forte impression par son timbre ample et chaud, le soin constant apporté à la ligne vocale et un vibrato parfaitement maîtrisé. La mezzo Zuzanna Nalewajek remplit irréprochablement sa partie et les voix des deux chanteuses se fondent très bien ensemble. Le baryton Ben McAteer fait preuve d’une belle fermeté, même s’il est parfois exagérément véhément. Cheffe, orchestre, solistes et chœur nous offrent un mouvement final d’une sereine et céleste beauté, clôturant ainsi un concert qui se termine nettement mieux qu’il n’avait commencé.


[Note du 28 mars : Une version précédente de l'article faisait erreur quant au nom du chef de chœur impliqué dans la préparation du Chœur NFM de Wrocław. Nous présentons toutes nos excuses aux intéressés.]

***11
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“un mouvement final d’une sereine et céleste beauté”
Rezensierte Veranstaltung: BOZAR: Main hall, Brussels, am 25 März 2025
Bacewicz, Suite for orchestra
Szymanowski, Symphony no. 4, ''Symphonie Concertante'', for piano and orchestra, Op.60
Penderecki, Polish Requiem: Chaconne
Szymanowski, Stabat mater, Op.53
Polish National Radio Symphony Orchestra
NFM Choir
Pierre-Louis de Laporte, Chorleitung
Marin Alsop, Musikalische Leitung
Erica Eloff, Sopran
Zuzanna Nalewajek, Mezzosopran
Ben McAteer, Bariton
Szymon Nehring, Klavier
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