En deuxième des quatre journées proposées par la manifestation « Nouveaux Horizons », à l’Auditorium du Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence, deux créations mondiales sont à l’affiche, complétées, comme la veille, par des œuvres du répertoire.
On commence par la composition Bec et ongles pour violon seul de Bastien David (né en 1990), présentée en ces termes dans la note d’intention : « Tel le vol d’un oiseau, ce chant indocile se soucie d’exister par l’expression du mouvement et de la liberté ». On entend effectivement d’abord un tout léger gazouillis, qui se transforme bientôt en chant d’oiseau, voire de plusieurs oiseaux ensemble. L’imitation des volatiles est souvent excellente, par exemple évoquée par des glissandos étalés sur plusieurs mesures, la partition d’une dizaine de minutes exigeant une bonne dose de virtuosité. Renaud Capuçon n’en manque pas, jouant avec précision et musicalité ce long monologue pour son instrument, variant les techniques, entre quelques pizzicati et le frottement de l’archet parallèlement aux cordes.
Première pièce chantée de cette édition 2021, Il Tramonto (Le coucher de soleil) d’Ottorino Respighi dévoile une musique à la fois luxuriante et mélancolique, jouée par un quatuor constitué d'Anna Egholm et Clémence de Forceville (violon), Violaine Despeyroux (alto) et Aurélien Pascal (violoncelle). L’intrigue de cette cantate miniature tourne autour d’un couple : l’homme décide que, pour une fois dans sa vie, il verra le lever de soleil du lendemain, mais il meurt au cours de la nuit. La femme survit mais sa tristesse est à faire pleurer les pierres. La soprano Jeanne Gérard véhicule beaucoup d’émotion dans cette pièce assez centrale sur le plan de la tessiture – elle peut aussi être chantée par une mezzo-soprano. Un peu plus tard, ces mêmes artistes, complétés par le piano de Théo Fouchenneret, interpréteront la Chanson perpétuelle d’Ernest Chausson, sur le poème Nocturne de Charles Cros. La soprano chantera cette fois sans partition et mettra beaucoup d’engagement dans son interprétation, même si le texte ne sera pas toujours facilement compréhensible.
Avant cela, la création [Im]pulses 2 de David Hudry (né en 1978) relève d’un certain niveau d’expérimentation musicale et de recherche sur les timbres. Cet opus d’une dizaine de minutes est présenté en deux mouvements et sollicite trois instruments tenus par Aurélien Pascal (violoncelle), Joë Christophe (clarinette) et Célia Oneto Bensaid (piano). La pianiste est d’abord debout, frappant les cordes à l’intérieur de la caisse avec un petit maillet, les grattant, les frottant, se mélangeant aux graves très profonds de la clarinette basse. C’est évidemment question de ressenti personnel, mais l’auditeur peut se sentir plongé dans une ambiance industrielle, peuplée de savants fous ou de pionniers informatiques des années 1970-1980. L’atmosphère est plus mystérieuse en début de second mouvement, pour s’accélérer en rythmes saccadés ensuite : le clarinettiste souffle alternativement dans une bouteille en plastique, la pianiste frotte les touches du clavier avec une carte et le violoncelliste, les deux mains occupées, susurre des « tchi-tchi ».
La conclusion du concert est plus classique avec le Quintette pour piano et cordes d’Edward Elgar, emmené par Renaud Capuçon, au côté de Manon Galy (violon), Violaine Despeyroux (alto), Bumjun Kim (violoncelle) et Célia Oneto Bensaid au piano. L’écriture musicale est extrêmement variée, avec des moments joyeux et animés, d’autres plus tristes, des mouvements de danse qui évoquent l’Europe centrale, quelques sonorités tziganes également. Les instrumentistes font preuve d’une cohésion sans faille et on apprécie en particulier la formidable expressivité du violoncelle.