Pour sa deuxième édition, le projet « Nouveaux Horizons », axé autour de la création musicale, propose cinq concerts sur quatre jours, dans l’Auditorium du Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence. Après son lancement l’année dernière (une opération de soutien aux artistes pendant la période où ceux-ci étaient empêchés par la pandémie de Covid-19), la manifestation imaginée par le violoniste Renaud Capuçon, avec la complicité de l’altiste Gérard Caussé, a passé commande de dix œuvres à dix compositeurs.
Le programme de cette première soirée fait ainsi alterner deux créations avec des œuvres du répertoire de Mahler et Brahms. On commence avec la première exécution d'Uchronies II de Thomas Lacôte (né en 1982), pour les deux pianos de Théo Fouchenneret et Célia Oneto Bensaid. Les sonorités peuvent évoquer Messiaen pendant les premières mesures, mais la partition dévoile rapidement une personnalité affirmée, une musique à la fois étonnante et plutôt facile d’écoute. La puissance et les rythmes piochent dans une très large gamme, en jouant sur toute l’étendue du clavier, entre petites séquences dans les graves les plus profonds et des moments répétés où l’extrême aigu est frappé avec force. Cette composition de quinze minutes maintient l’intérêt tout du long, dans une belle qualité d’écoute de la salle et nous montre la vaste connaissance de l’instrument, ainsi que la qualité et l’efficacité de l’écriture de Thomas Lacôte.
On passe ensuite en terrain plus connu avec le mouvement de Quatuor pour piano et cordes de Gustav Mahler, où chacun des trois solistes aux cordes – Anna Egholm (violon), Paul Zientara (alto) et Aurélien Pascal (violoncelle) – dégage tour à tour beaucoup de sentiment, tandis que le piano de Célia Oneto Bensaid fournit un soutien de qualité. L’ensemble est bien équilibré et on apprécie les montées vers les climax et les descentes de cette partition qui paraît simple mais relève d’une suprême inspiration mélodique.
Seconde création de la soirée, le Sextuor à cordes d’Othman Louati (né en 1988) semble moins facile d’écoute au premier abord avec ses attaques dissonantes, comme une introduction voulant ancrer la pièce dans un modernisme revendiqué. Mais l’oreille se dresse très vite à l’écoute des textures diverses et originales, comme ces sonorités d’harmonica de verre que produisent les cordes au cours du premier des cinq mouvements que nous avons comptés. Les tempos et techniques varient au cours de ces quinze minutes de composition : des pizzicati qui passent d’un instrument à l’autre, une sorte de bourdonnement d’abeilles au dernier mouvement, de belles phrases mélodiques plus clairement exprimées précédemment, ou encore des coups d’archet qui s’arrêtent net de temps à autre. Le premier violon précis et élégant de Renaud Capuçon est le plus sollicité, le musicien assurant également la coordination de ses collègues Manon Galy (violon), Gérard Caussé et Violaine Despeyroux (alto), Bumjun Kim et Aurélien Pascal (violoncelle).
On retrouve les deux jeunes formidables violonistes Manon Galy et Anna Egholm, en compagnie de Paul Zientara à l’alto et Bumjun Kim au violoncelle pour le morceau de choix de la soirée, le Quintette pour clarinette et cordes de Johannes Brahms, d’une quarantaine (un mot qu’on souhaite désormais prononcer le moins souvent possible !) de minutes. La clarinette de Joë Christophe a toutefois le premier rôle, souvent d’ailleurs celui d’un soliste pour un véritable concerto dédié à son instrument, et on apprécie l’expressivité et la virtuosité de son jeu. Certaines phrases relèvent de longs développements, soit en portées entrelacées, soit en dialogues entre instruments, qui placent régulièrement l’auditeur en plein cœur de ce répertoire romantique.