Invité régulier du Belgian National Orchestra depuis de nombreuses années et officiellement promu au rang de chef associé depuis la saison dernière, Michael Schønwandt se présentait vendredi dernier pour la première fois cette saison au Palais des Beaux-Arts à tête de la phalange bruxelloise, dans un programme suivant certes le schéma habituel ouverture-concerto-symphonie, mais sortant néanmoins des sentiers battus grâce à la curiosité du chef d’orchestre danois.

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Michael Schønwandt et le BNO à Bozar
© Belgian National Orchestra

Pour commencer le concert, c’est la virtuose ouverture Dans le royaume de la nature de Dvořák qu’il propose. Suivi comme il le sera tout au long de la soirée par un orchestre visiblement ravi de collaborer avec un chef capable d’en tirer le meilleur, Schønwandt offre une belle interprétation de cette œuvre inexplicablement négligée. Il obtient de l’orchestre un tendre lyrisme tout en sachant se montrer ferme et musclé quand cette belle et riche partition le demande.

On peut aisément imaginer que nombreux étaient les mélomanes alléchés à l’idée d’entendre ensuite Christian Tetzlaff dans le concerto de Sibelius. Malheureusement souffrant, celui qui est sans conteste l’un des grands violonistes de l’heure s'est vu remplacé en dernière minute par Stephen Waarts. Arrivé en cinquième position lors de la finale du Concours Reine Elisabeth de 2015, ce jeune virtuose néerlando-américain avait laissé une excellente impression à l’époque et nombreux étaient ceux qui l’auraient vu sur le podium.

Stephen Waarts, Michael Schønwandt et le BNO © Belgian National Orchestra
Stephen Waarts, Michael Schønwandt et le BNO
© Belgian National Orchestra

Âgé de 27 ans à peine, cet invité surprise fera tout au long du concerto entendre bien des choses intéressantes. Plus que sa technique remarquable au point de se faire oublier (même si les connaisseurs apprécieront sa remarquable vitesse d’archet), c’est le son du violoniste qui intéresse. Bien que pur produit de l’enseignement américain (études au Curtis Institute avec Aaron Rosand et perfectionnement avec Itzhak Perlman), Stephen Waarts n’opte pas pour une sonorité ample et brillante, mais vise à produire un son pur, mince et concentré allant de pair avec une dynamique relativement réduite. On sort ici tout à fait du produit standard et cela n’en est que plus passionnant, d’autant plus que cette interprétation plutôt réservée se tient parfaitement.

Qui plus est, le soliste peut compter sur une collaboration sans réserve du chef qui fait superbement comprendre que nous avons bien affaire ici à un concerto pour violon et orchestre. Aucune des richesses de la partition n’est ignorée et les plus subtils détails de l’écriture de Sibelius sont finement mis en valeur. Dès la stupéfiante évocation de bise nordique qui ouvre l’œuvre jusqu’à sa conclusion, tous les pupitres de l’orchestre se montrent sous leur meilleur jour – avec mention spéciale pour l’alto solo Marc Sabbah ainsi que pour les superbes bois et cuivres.

Et quel beau choix que la Troisième Symphonie de Nielsen pour clore ce concert ! Si rare chez nous, cette « Sinfonia Espansiva » reçoit de la part d’un chef qui connaît l’œuvre à fond et d’un orchestre inconditionnellement impliqué une prestation qui n’appelle que des éloges. Comment résister à l’irrépressible énergie, à l’impétuosité solaire et optimiste de l’Allegro espansivo initial, à la magie de l’Andante pastorale où les bois enchantent avant que le baryton Marcus Dawson et la soprano Ecem Topçu ne nous transportent vers un monde d’une beauté irréelle ? Après la tendresse de l’Allegretto un poco, le finale débute sur un mode néo-baroque avant de passer à des chorals et fanfares aux cuivres dans un étonnant mélange polystylistique qui n’est pas sans rappeler Charles Ives. Cette interprétation captivante d’une œuvre par trop méconnue sera accueillie avec chaleur et enthousiasme par un public nombreux et conquis.

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