Plongé dans un cycle célébrant « nature et vivant », le concert de l’Orchestre Philharmonique de Radio France ce jeudi 3 octobre nous immerge dans le monde aquatique à travers un programme évocateur dirigé par Ariane Matiakh. Le superbe concerto pour orgue Waves de Pascal Dusapin, magnifiquement porté par la subtilité d’Olivier Latry, donne à entendre la mer dans une immersion totale. La pièce envoûte immédiatement. Introduites par deux bugles spatialisés dans l’Auditorium de la Maison de la Radio, ces vagues évoluent en atmosphères variées, toujours en mouvement. L’orchestration du compositeur français fait tour à tour apparaître la puissance dévastatrice de la mer et la délicate écume qui s’évanouit sur les plages.
La registration choisie par Olivier Latry ajoute à la réussite de ce concerto. Les sonorités de l’orgue et de l’orchestre se fondent l’une dans l’autre, créant des ambiances oniriques. Les cordes sont souvent utilisées en nappes d’accords, soutenues par le pédalier du soliste tandis que les bois et les cuivres, plus volatils, apportent des éléments d’instabilité. L’osmose de cet orchestre stratifié, aux couleurs nourries par des passages de cuivres en sourdine wah-wah ou des trémolos de cordes dans les aigus, fait toute la magie de l’œuvre. Des passages plus tumultueux amènent Olivier Latry dans des traits sinueux et virtuoses toujours maîtrisés avec sensibilité. On retiendra la sonorité des jeux éthérés de l’orgue, ces deux bugles qui reviennent et s’enchevêtrent, la beauté diaphane des woodblocks et des pizzicati de cordes dans une section plus lumineuse ainsi que le monumental crescendo final.
Si la direction d’Ariane Matiakh, concentrée sur la battue de la mesure, fonctionne dans Waves, la Moldau de Smetana et le plus rare Esprit des eaux de Dvořák pâtissent de cette gestique. Dans ces deux poèmes symphoniques de compositeurs tchèques, aux thèmes si évocateurs, il est difficile de se passer d’une vision interprétative. Or Ariane Matiakh semble constamment hésiter entre fermeté et lyrisme. Les premières mesures de la Moldau, avec les ondulations de flûtes et clarinettes évoquant les flots de l’Elbe, manquent d’une mise en place claire et n’augurent rien de bon. La cheffe prend le parti de rester tournée vers les pupitres de violons qui jouent le thème et abandonne les basses et les voix intérieures. Ainsi, le thème principal, la scène des ondines dansantes, le thème populaire apparaissent comme de simples tableaux juxtaposés, sans transition conduite. L’Orchestre Philharmonique de Radio France garde néanmoins une belle qualité de son, la petite harmonie animant les vagues avec fluidité tandis que les altos articulent merveilleusement le thème populaire.