En ce samedi soir, dernier jour de la série de concerts donnés par l'Orchestre Pau Pays de Béarn au Foirail ce mois-ci, on découvre cette salle où l'OPPB a pris ses quartiers en octobre 2022. Alors que l'ancienne salle du Casino n'était pas des plus adaptées à un orchestre symphonique, ce pôle culturel, qui a vu le jour sous l'impulsion de la mairie et via des partenariats multiples (le lieu abrite également un cinéma, des cafés...), bénéficie d'une acoustique très appréciable. Directeur musical de la phalange béarnaise, Fayçal Karoui prend la parole en début de concert pour se féliciter d'y voir réunis l’orchestre et le chœur dans un programme qui associe Johannes Brahms à Éric Saint-Marc.

Fayçal Karoui dirige l'OPPB au Foirail © Audrey Espérance
Fayçal Karoui dirige l'OPPB au Foirail
© Audrey Espérance

Le concert débute avec une création de ce compositeur et organiste habitué des collaborations avec l'OPPB : le Pic du Midi d’Ossau est visité ici via une randonnée imaginaire d’un petit quart d’heure où se succèdent de nombreux figuralismes présentés en amont par le chef. L’ensemble forme une musique plaisante dans un style néo-classique, mais sans grand particularisme ; le seul élément « local » pourrait être l’utilisation du grand chœur à la fin de l’œuvre. On débute ainsi avec quelques bruits ornithologiques de forêt aux vents et au wood-block, puis l’orchestre s’épaissit rapidement, mimant le lever du jour à la flûte, puis tantôt un cheval hennissant, tantôt un essoufflement, avant un premier climax orchestral puis un passage fort en homorythmie et l'entrée du chœur en vocalises : en bref, la patte de l’organiste reste perceptible.

L’harmonie des sphères élargit ensuite ses résonances avec deux œuvres de Johannes Brahms pour chœur et orchestre : tout d’abord le Chant des Parques, dans lequel le compositeur tente de réconcilier l’ancienne et la nouvelle religion à travers des références littéraires enchâssées, ce qui donne tout son caractère dramatique à l’œuvre. Après un début plus marcato que maestoso et une homorythmie chœur/orchestre très soignée et faisant écho à la pièce précédente, la direction de Fayçal Karoui laisse la pleine place au chœur et bride plus que de nécessaire l’orchestre, laissant les voix s’opposer comme s’entremêler avec passion dans le choral central avant de s’éteindre progressivement. 

L’orchestre passe un peu plus en retrait ensuite pour le Chant du destin, exception faite de la dernière section. Il faut dire que le chœur préparé par Pascale Verdier rendrait intelligible l’allemand à un non germanophone. Après une introduction où l’orchestre expose l’atmosphère avec délicatesse et sans s’appesantir question tempo, l’amplitude du chœur arrive progressivement à saturation au fur et à mesure de l’entrée des voix, avant même la section centrale Allegro qui continue avec frénésie le débordement des affects. Enfin le postlude orchestral laisse les timbres instrumentaux s’affirmer davantage et permet une transition cohérente avec la suite du programme.

La deuxième partie du concert revient à l’instrumental pur, mais toujours avec Johannes Brahms et sa Quatrième Symphonie. L’Allegro non troppo initial fait éclater des couleurs orchestrales avec magnificence mais sans lourdeur, sous une direction plutôt sautillante, très légère. L’Andante moderato laisse davantage de place aux solistes de la petite harmonie, souvent dans des nuances très forte, avec une belle coordination des pizzicati aux cordes. Le motif de berceuse reste très énergique et offre de belles sonorités. Le troisième mouvement est bien chantant et toujours très percutant sur les tuttis. Il faut dire que Fayçal Karoui dirige son orchestre comme un instrument unique, investissant à fond la carte des affects. Tant et si bien qu'on ne saura plus trop dans le finale si ce sont des larmes ou de la sueur que l’on voit sur le visage du maestro. La direction fut très progressive et mesurée, mais n'a pas perdu de vue l’essentiel : l’expressivité.

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