Ambiance des grands jours à la Philharmonie. En coulisses, c’est l’effervescence : Medici.tv et Radio Classique sont venus placer leurs caméras et leurs micros ; l’Orchestre de Paris et ses chœurs préparent activement les concerts de la semaine, tandis que les « visiteurs » de l’Orchestre du Capitole de Toulouse posent leurs valises. Entre un raccord et une répétition, les musiciens se changent, se croisent, papotent fébrilement en cassant la croûte. Une vraie fourmilière. Côté public, même chose : tous les mélomanes de la capitale se sont donnés rendez-vous. On ne manquerait pour rien au monde un concert de l’excellente phalange toulousaine, surtout quand le maestro, Tugan Sokhiev, enfourche son cheval de bataille : Chostakovitch.
Le chef attaque la fameuse Symphonie n° 5 à pleines mains, empoignant vigoureusement le thème des basses. Jusqu’à la dernière note du dernier mouvement, il ne lâchera rien. La première mélopée des violons est dictée par une baguette ultra-précise qui détaille la vitesse des archets, la manière de pointer les motifs, sans oublier la direction générale du discours, bien au-delà de la petite phrase. Devant tant de méticulosité, on reste bouche bée. Comment un tel investissement va-t-il pouvoir se prolonger sur toute la durée de l’œuvre ? Sokhiev apporte la réponse la plus naturelle qui soit : en variant le caractère, changeant de masque, se régénérant au fil de la partition. Le maestro propose ainsi un second mouvement cabotin voire clownesque, jonglant avec les appuis changeants de la mesure, donnant quelques pichenettes aux pizzicati, accompagnant une entrée d’un simple coup d’œil malicieux. Le grotesque de ce scherzo est souligné sans excès, le trait restant soigné grâce à un geste toujours élégant.
Changement radical pour le « Largo » : le pathos n’est aucunement forcé, l’émotion est sobre, la baguette minimaliste. Le crescendo qui suit ne paraît que plus extraordinaire, l’orchestre se soulevant en une houle implacable qui laisse les spectateurs cloués aux accoudoirs. Le finale n’est pas moins formidable, entre le panache des cuivres, la puissance frénétique des archets… et la comédie du timbalier, prêt à fracasser joyeusement ses fûts dans les derniers accords. Dans cet ouvrage, Chostakovitch voulait donner à entendre « l’optimisme triomphant de l’homme » ; il aura rarement été aussi bien servi.
Si Sokhiev est le premier dépositaire de cette interprétation réjouissante, tous les musiciens du Capitole de Toulouse sont à saluer, à l’unisson derrière leur chef. Étincelant et efficace, le premier violon mène une brochette de solistes de haut vol, de la flûte solo – toutes ses interventions sont dessinées avec une même grâce – au cor, admirable de lyrisme.