Le théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet était comble en ce lundi 31 janvier, pour l’hommage rendu à Rossini par Michael Spyres et Mathieu Pordoy. Pourtant, si le musicien italien est l’un des compositeurs favoris du ténor américain, ce récital fut tout sauf convenu : aucun extrait d’opéra au cours de la soirée mais des pièces chambristes, mélodies ou pages pour piano rarement entendues et qui donnent du compositeur une image très différente de celle renvoyée par ses opéras. Les mélodies font alterner formes fixes (présence de strophes, alternance de couplets et de refrains) et écriture beaucoup plus libre, épousant le mouvement du texte sans que ce dernier soit subordonné à une forme musicale préétablie. Surtout, la plupart des procédés ayant fait la réputation du musicien (crescendos, prouesses vocales…) en sont quasiment absentes – à moins qu’ils ne soient sollicités à des fins d’autodérision, comme dans l'Addio ai Viennesi. L’impression qui se dégage à l’écoute de ces mélodies est celle d’une inhabituelle sobriété, d’un lyrisme mesuré (à l’exception du très dramatique Roméo composé en 1867, l’année même de la création du Roméo et Juliette de Gounod) et surtout d’une inventivité jamais prise en défaut, d’un renouvellement dans l’écriture apportant un démenti à ceux qui seraient tentés de réduire l’art rossinien à une simple mécanique bien huilée.

Michael Spyres © Marco Borrelli
Michael Spyres
© Marco Borrelli

Michael Spyres célébrait pour l’occasion ses noces d’étain avec le public parisien : voilà dix ans, le ténor faisait en effet sa première apparition sur une scène française (celle de l’Opéra Comique) dans La Muette de Portici. Depuis, l’amour du public parisien (et plus généralement français) pour le chanteur ne s’est jamais démenti, un amour s’exprimant dès l’entrée en scène de Spyres, très chaleureusement accueilli. Sans doute sa parfaite prononciation du français chanté – dont les quelques mélodies françaises incluses dans le programme ont apporté une nouvelle preuve – n’est-elle pas étrangère au lien très fort qui s’est tissé au cours de ces dix années… Mais c’est également une exceptionnelle forme vocale que le public a saluée : maîtrise du souffle, legato soyeux, large panel de nuances, la maîtrise technique du ténor s’est avérée totale, jusques et y compris dans les quelques prouesses vocales (sauts de tessiture, aigus stratosphériques, vocalises extrêmement rapides) sollicitées par quelques rares mélodies. Enfin, Michael Spyres a fait montre, au cours de ce récital, d’une appréciable sobriété, toute forme d’excès ou de cabotinage pouvant s’avérer doublement fatale, à la musique de Rossini comme au genre délicat de la mélodie. Un exemple parmi d’autres : la célèbre Danza a été interprétée dans un strict respect de la partition, sans tous les points d’orgue, variations et autres ralentis qui la dénaturent trop souvent.

Saluons pour terminer l’impeccable musicalité de Mathieu Pordoy – qui a notamment trouvé à s’exprimer dans la belle Barcarolle pour piano ainsi que les Un rien pour piano (n° 11) – et surtout la complicité artistique mais aussi tout simplement humaine qui semble, de toute évidence, lier les deux musiciens.

À l’issue du concert, les artistes ont accepté de répondre à quelques questions posées par le public. Ils ont en cette occasion annoncé que leur duo devrait très prochainement se reformer pour d’autres concerts et d’autres programmes : on ne saurait trop s’en réjouir !

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