Sunny, en ce moment à l’affiche de la Cité de la Musique, est une co-création signée par le chorégraphe israélien Emanuel Gat et le musicien électro Awir Leon où danse et musique font jeu égal : les compositions d’Awir Leon ne servent pas d’accompagnement musical, mais sont mixées et chantées en live, prenant ainsi autant de place sur scène que la danse. Mais les deux artistes, malgré leur démarche plurielle et participative, ne parviennent pas à se faire écho, la chorégraphie s’inspirant peu des chansons, si ce n’est en suivant leur musicalité. Le seul point de convergence est peut-être un certain air de déjà-vu, tant dans les chansons, qui empruntent franchement à James Blake, que dans une chorégraphie qui manque beaucoup d’originalité.
Le spectacle démarre sur l’inexplicable apparition d’un homme paré d’une fourrure, d’un masque primitif, d’une jupe tressée et d’une plante en pot en guise de coiffe. Sans transition, Awir Leon, et à ses talons dix danseurs, fait son entrée sur la scène carrée de la Cité de Musique cernée par quatre gradins. Il rejoint une console et chante un premier titre, Sunny, comme pour se faire l’annonce du spectacle. Les danseurs l’écoutent quelques instants, avant de s’éloigner par paires. L’air d’Awir Leon est enveloppant, la lumière se tamise et rougeoie, pour révéler des corps lascifs, dans des postures évoquant des ébats, de préférence homosexuels. On a l’impression qu’il va se passer quelque chose, quand soudain cette première image s’évanouit et les lumières se rallument sur la scène blanche. Si cette première séquence intrigante semblait prometteuse, avec un mouvement répondant avec justesse à une musique intimiste, la suite n’est pas à la hauteur.
Awir Leon fait alors des allers-retours fréquents entre sa console et l’angle opposé du plateau, sans jamais plus interagir avec les danseurs. Si son interprétation et son mix, performés en live, sont une vraie prouesse musicale, Awir Leon se prend décidément très au sérieux sur scène et semble inaccessible à la chorégraphie qui se déploie à ses côtés. On peut regretter également, sur le plan musical, que son instrumental pourtant riche et son beat entraînant ne soient accompagnés par des paroles d’une certaine vacuité (en l’espèce « we can never be alone » ou encore « I don’t want to be anything ») et d’une pointe d’accent français un peu trop audible.
Côté chorégraphie, les sentiments sont là aussi partagés. Malgré une danse qui pulse au rythme électro d’Awir Leon, et quelques solos masculins assez excitants, Emanuel Gat semble peu inspiré sur cette création. Certains gestes et certaines constructions semblent en tout cas vus et revus, par exemple la ligne de danseurs qui crient un mot chacun à leur tour, ou encore les groupes qui se donnent le go à haute voix.
Mais malgré une légère déception, il faut tout de même saluer un certain nombre d’éléments : une performance live exigeante, tant pour les danseurs que pour Awir Leon, la virtuosité de certains interprètes – et plus particulièrement celle d’Annie Hanauer, danseuse équipée d’une prothèse, sur fond d’une électro assez énergisante. On en aurait simplement attendu davantage d’Emanuel Gat, dont le travail souvent grisant, nous a mal habitués.