Inspiré du roman de Francis Scott Fitzgerald, The Great Gatsby chorégraphié par Dwight Rhoden, le fondateur de la compagnie new-yorkaise Complexions Contemporary Ballet, présentait une affiche intéressante : une histoire d'amour à l'époque des Années folles avec des grands noms de la danse, sur la scène des Folies Bergère pour une date unique, le samedi 8 novembre.

<i>The Great Gatsby</i> chorégraphié par Dwight Rhoden &copy; Zura Pirtskhalaishvili
The Great Gatsby chorégraphié par Dwight Rhoden
© Zura Pirtskhalaishvili

Construit en deux actes séparés par un entracte, le spectacle semble se baser sur des scènes bien précises du livre. Il est cependant bien difficile d'identifier les personnages et de comprendre une narration – nombre de spectateurs réclameront des programmes à l'entracte pour tâcher d'y voir plus clair, mais la lecture du fameux programme, manifestement distribué en quantité extrêmement limitée, fournira peu d'explications. On comprend seulement que la plupart des duos sont construits sur des relations assez manichéennes, faites d'amour, de jalousie et de vengeance. L'énergie utilisée par le chorégraphe à partir de ces émotions fonctionne cependant bien et donne des mouvements souples et rapides. De beaux portés sont réalisés et rendent les couples tout à fait convaincants.

Les danses d'ensemble sont également réussies. Synchronisation, levés de jambe, déhanchés : elles présentent un joli mélange de technique classique et de jazz lyrique. Dwight Rhoden s'intéresse aux lignes des danseurs étirées à l'extrême tout en ajoutant une pointe de contemporain par les cassures des poignets ou les mouvements rapides de bras aux structures géométriques. On apprécie en première partie les festivités des Années folles et on salue des solistes remarquables : le charismatique Artem Shoshyn en Nick Carraway ou encore Ekaterina Kurchenko, soliste ukrainienne, en sublime Jordan Baker.

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The Great Gatsby chorégraphié par Dwight Rhoden
© Zura Pirtskhalaishvili

On se demande cependant assez vite ce que vient faire l'écran qui diffuse des images en permanence en fond de scène. Il aurait pu afficher des titres de chapitres ou des lieux pour permettre de situer l'histoire (qui est assez complexe dans l'œuvre littéraire). Mais ici le choix de la vidéo laisse vraiment songeur : des flammes, des routes, des images de verre, de liquide qui coule, de visages qui se fondent, des lunes et des éclipses, des buildings. Parfois la totalité de l'écran n'est pas visible en entier à cause des structures métalliques de la mise en scène, donnant l'impression que la régie a oublié de couper l'image alors qu'il s'agit manifestement d'un choix de mise en scène. En définitive, ces vidéos de mauvais goût sont dévalorisantes pour des danseurs qui suffiraient amplement à créer le spectacle, surtout qu'ils présentent une technique spectaculaire et un charisme certain. 

La musique (enregistrée et très forte) de Konstantin Meladze et Yurii Shepeta n'arrange rien. Lourde, tantôt jazzy, tantôt lyrique pour produire des effets dramatiques, elle manque d'unité, d'harmonie et ne favorise pas le brio et la virtuosité des danseurs.

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The Great Gatsby chorégraphié par Dwight Rhoden
© Zura Pirtskhalaishvili

La seconde partie désastreuse achèvera de creuser le fossé entre des danseurs de très haut niveau, tout à fait captivants, et une production décevante : au lieu d'étudier les nuances de l'histoire tragique qui mène à l'assassinat de Gatsby par Tom Buchanan, mari de celle dont Gatsby était amoureux, on tombe dans tous les clichés. La mise en scène n'a aucune subtilité ou cohérence : Gatsby se remet à danser en pleine forme après avoir reçu sa balle, les lumières rouges, vertes, jaunes des projecteurs nous aveuglent, tous nos sens sont saturés, tant et si bien qu'on attendra avec impatience que le héros rende son dernier soupir.

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