L’Orchestre National du Capitole de Toulouse n’a pas joué « LA » Neuvième depuis 2011 et c’est la première fois que Tarmo Peltokoski dirige la formation dans Beethoven. On a ainsi, avant même que la première note soit lancée, l’assurance que les acteurs de cette soirée du 2 janvier à la Halle aux grains chercheront à créer quelque chose.

On est saisi d’emblée par la netteté des attaques, par une dynamique générale très puissante, un caractère farouche qui met en relief les contrastes. Ce n’est pas sans excès : les timbales, mailloches sèches sur peau, claquent plus qu’elles ne scandent. Peltokoski privilégie par la suite presque systématiquement un jeu en notes courtes, donnant l’impression qu’il n’y a que deux types d’articulation : staccato et legato. C’est frappant dans le premier mouvement, au début du dernier mouvement où la sècheresse de l’interprétation prive l’accord dissonant et la suite du discours de sa force intérieure, et combien plus entretemps dans le scherzo (deuxième mouvement) où les phrasés manquent de variété.
Les tempos sont en général très tendus. Le scherzo donne ainsi lieu à une véritable démonstration de virtuosité de l’orchestre, chauffé à blanc par le chef finlandais, mais qui trouve aussi ses limites avec des décalages entre vents et cordes dans la reprise tutti. Le plus surprenant restera le tempo énervé avec lequel Peltokoski anime le fameux chœur final. L’orchestre aura bien essayé de reprendre une allure plus modérée en ouverture du fugato central du finale, mais le chef secoue alors ses cordes avec force encouragements afin qu’elles reviennent à cette dynamique folle qu’il impose.
Cette Neuvième compte cependant son lot de beaux passages : les pupitres de hautbois et bassons sont impressionnants dans le « Trio » du deuxième mouvement, et Peltokoski sait nous prendre par les sentiments dans les sublimes variations de l’Adagio. Les états successifs de la mélodie du premier thème se déploient doucement, avec tendresse. Mais très vite, les niveaux de puissance des différents pupitres, dans une lecture verticale, nous perdent. Le rôle de ponctuation se fait trop présent, la grande ligne est dissoute, les nuances sont trop égales et le ton général trop fort. Cette confusion sonore est stoppée nette par les deux fanfares, qui dramatisent enfin le propos, mais il est un peu tard.
Un mot des voix : le quatuor de solistes est dominé par une Elsa Dreisig éclatante, lumineuse. La basse Albert Dohmen pose son texte avec aisance, s’affirme avec fermeté, seul à chanter sans partition. Le ténor Tuomas Katalaja, bien positionné dans les moments à quatre, n’est cependant pas au rendez-vous pour son air qui suit la turquerie : sa projection inégale nous fait perdre la logique de ses phrases musicales. Quant à la mezzo Tuija Knihtilä, on ne l’a pas entendue.
Il faut dire que le double chœur (celui de l’Opéra de Montpellier s’est joint à celui du Capitole de Toulouse) ne fait pas dans la nuance. Ou n’en connaît que deux : mezzo forte et fortissimo. La séquence susurrée qui précède la coda, tellement suspendue avec ce la aigu pianissimo, passe à la trappe. Et on cherchera en vain, texte en main, à suivre les paroles. L’acoustique n’aide certes pas, de même que cette position des choristes tout au fond. Sachant cela, on aurait pu en retirer une trentaine…
Alors qu’elle s’acheminait vers une conclusion idéalement enlevée, fiévreuse, la symphonie s’achève sur une dernière affèterie dans l’ultime Prestissimo : un decrescendo suivi d’un crescendo dans la toute dernière suite d’accords, quand Beethoven écrit en toutes lettres « sempre ff ».
La Neuvième est une symphonie de toutes les formes – lied, scherzo, sonate, variations, fugato, récitatif, styles populaire et savant, turquerie et cantate – que Beethoven a fusionnées dans une cohérence totale. Cette perfection du genre, qu’un Brahms a mis tant d’années à dépasser, commande-t-elle d’attendre un peu, pour que la maturité du geste s’installe ?