En ce dimanche radieux de septembre, l’été semble se prolonger sur la Principauté de Monaco. À l’Auditorium Rainier III, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo ouvre sa saison dans une atmosphère solaire. La soirée s’ouvre avec Phaéton de Camille Saint-Saëns, poème symphonique où se lit tout l’art du compositeur à traduire un mythe antique par les couleurs de l’orchestre. La phalange monégasque sonne ici brillante et légère, parfaitement équilibrée. Les cordes souples, les vents lumineux et la différenciation précise des pupitres créent une impression globale pastorale et lyrique. On perçoit un souffle chaleureux, presque pictural, qui semble prolonger dans la salle la lumière éclatante de la journée monégasque.

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Kazuki Yamada dirige l'OPMC lors du concert d'ouverture de saison
© Emma Dantec

Vient ensuite la Symphonie n° 1 de Saint-Saëns, à la forme très lisible – l'œuvre fut écrite par l'auteur quand celui-ci avait seulement 17 ans. Dès les premières mesures, les mélodies filent de pupitre en pupitre, dessinant des lignes nettes et aériennes. Directeur musical de l'OPMC depuis bientôt dix ans, Kazuki Yamada dirige avec précision et sobriété, ses gestes réduits à l’essentiel. Il privilégie l’élégance et la lisibilité formelle plutôt que la démonstration. Chaque nuance piano est délicatement ciselée, chaque mouvement s’enchaîne avec raffinement. Les tuttis, homogènes et ronds, donnent au public l’impression d’errer sur un nuage. Puis la forme s’oriente vers l’éclat final du quatrième mouvement, ponctué de contrastes et d’élans dynamiques. Les cuivres, glorieux, déclenchent une ovation, y compris de la part du chef lui-même qui ne manque pas de saluer chaleureusement ses musiciens.

La seconde partie nous entraîne dans l’univers foisonnant de Richard Strauss avec Don Quichotte. L’orchestre fait jaillir des paysages aux couleurs pastorales, où les timbres solistes – flûte, violon… – se détachent avec éclat. Pablo Ferrández, au violoncelle, incarne un chevalier noble et fragile à la fois. Sa virtuosité impressionne : il franchit avec aisance les traits rapides de la partition, sans jamais négliger le dialogue avec ses partenaires. On le voit attentif, se tournant vers l’alto de François Méreaux et les autres pupitres, toujours en quête d’échange. L’alto solo de l'OPMC, à la voix chaude et vibrante, impose une présence simple et émouvante, proche des inflexions de la parole humaine.

Pablo Ferrández, Kazuki Yamada et l'OPMC © Emma Dantec
Pablo Ferrández, Kazuki Yamada et l'OPMC
© Emma Dantec

La direction met en valeur les contrastes de la partition. Sous la baguette de Kazuki Yamada, l’œuvre se raconte comme une fresque mouvante : variations contrastées, masses orchestrales opposées aux solistes, silences marqués qui accentuent la dramaturgie. L’accent est porté sur le déploiement d’une large palette dynamique, d’éclats tumultueux ainsi que d’effusions lyriques. Les solistes vivent littéralement l’action, jusque dans leurs respirations audibles, qui participent à l’engagement collectif. Le récit de Strauss, tantôt agité, tantôt rêveur, prend vie avec intensité et conviction.

Cette ouverture de saison offre au public monégasque un moment de grâce : un orchestre en grande forme, un chef élégant et précis, des solistes engagés, et un programme lumineux qui associe poésie, clarté et éclat, à l’image de cette journée de septembre. Pour les absents, il sera possible de prolonger encore davantage ces sensations estivales grâce à la diffusion de l’enregistrement du concert sur Radio Classique, le samedi 11 octobre à 20h.

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