Son centenaire est passé de quelques mois, mais il n’est jamais trop tard pour lui rendre hommage : Camille Saint-Saëns, à l’honneur du dernier album du Trio Zadig, était fêté une nouvelle fois par cette formation Salle Cortot. L’occasion d’un coup de projecteur sur sa musique pour trio, assez rarement jouée…
La première partie du concert est d’ailleurs composée de raretés : des arrangements pour trio, réalisés par Saint-Saëns, de pièces de Rameau et Liszt. Si la curiosité est d’abord piquée par ce mélange de styles, on finit par se lasser du décalage des écritures, qui subsiste toujours entre l’arrangeur et la partition originale : le finale du Concert n° 1 de Rameau, par exemple, est beaucoup plus impétueux et lourd ici que dans sa version originale, plus sautillante ; quant au poème symphonique Orphée de Liszt, il n’a pas en version de chambre le charme d’une riche orchestration, mais plutôt l’allure d’une simple juxtaposition de thèmes.
Heureusement, le Trio Zadig défend cette musique avec fièvre. Chez Rameau, Boris Borgolotto (violon) et Marc Girard Garcia (violoncelle) adoptent un jeu résolument moderne, soulignant les phrases d’un vibrato riche, défendant une lecture fougueuse des mouvements rapides, et plaintive, voire sentimentale, des mouvements lents. Sans chercher à insuffler d’air dans leurs archets ou à souligner les appuis, mais avec une débauche d’énergie et de remarquables effets de dialogues et de surenchère, ils parviennent à offrir une lecture exubérante et finalement très séduisante du Concert n° 5. Le piano de Ian Barber n’est pas en reste : avec son détaché impeccablement net, il parvient à insuffler de la légèreté quand c’est nécessaire, tout en plaquant des accords lugubres dans les passages les plus sombres.
Chez Liszt, on admire avant tout la recherche du beau son. Dans son introduction, le piano se fait liquide ; dans les thèmes chantés qui suivent, violon et violoncelle crèvent la scène, avec un son à la fois chaud et brillant rehaussé de vibrato. Si l’écriture des dialogues n’est pas toujours convaincante, on est captivé par les tuttis où les trémolos des cordes suffisent à imaginer un orchestre entier. La lente et douce marche qui conclut la pièce est peut-être la plus belle trouvaille de ce poème… chambriste.