Maison traditionnellement très attachée au bel canto, l’Opéra Royal de Wallonie-Liège propose aux amateurs de cet art si subtil (et hélas si souvent maltraité) I Capuleti e i Montecchi, certainement l’une des œuvres les plus touchantes de Vincenzo Bellini, maître incontesté du genre et au don mélodique si admiré par Chopin.

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I Capuleti e i Montecchi à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège
© J. Berger / Opéra Royal de Wallonie-Liège

Avant toute chose, il convient de préciser que le livret de Felice Romani, qui revient aux sources italiennes de l’histoire, n’a pas grand-chose à voir avec la pièce de Shakespeare. Ici ni bal des Capulet, ni scène du balcon, ni coup de foudre soudain, ni mariage secret. En revanche, dans la scène finale, Juliette émerge du sommeil où l’a plongé le philtre fourni par Lorenzo (ami et médecin de son père Capellio) et découvre Romeo ayant déjà absorbé le poison qui n’a pas encore fait son effet, ce qui donne lieu à des adieux d’une tendresse et d’une beauté déchirantes. Il faut encore ajouter que c’est aussi la politique qui sépare les deux familles, les Capulet étant des guelfes violemment opposés aux gibelins que sont les Montaigu.

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I Capuleti e i Montecchi à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège
© J. Berger / Opéra Royal de Wallonie-Liège

La sobre mise en scène d’Allex Aguilera réussit à subtilement mettre en valeur les rapports politiques ou personnels qui unissent ou opposent les personnages, tout en évitant le piège de la surinterprétation à outrance d’une trame dramatique assez simple ou la tentation du concert en costumes. Même si l’action est censée se situer dans la Vérone du XIIIe siècle, les sobres et élégants costumes signés Françoise Raybaud situent les protagonistes dans les années 1830, époque de la création de l’opéra : pantalon et redingote sobre pour les chanteurs masculins (on reconnaîtra plus tard les Montaigu à leur redingote aux couleurs plus vives), mais tenue nettement plus voyante pour Romeo (rôle travesti en or pour une mezzo de caractère) et belles robes romantiques pour la délicate Giulietta.

Allex Aguilera signe également un décor très sobre, presque uniment dans les tons gris, avec en son centre ce qui semble être à première vue un mur gris massif mais qui pivote sur lui-même pour révéler un avers creux où plusieurs marches mènent à un plateau. Dans un louable souci de clarté, Aguilera limite les déplacements des chanteurs à l’essentiel, faisant confiance à la musique pour exprimer les sentiments qui habitent cette oeuvre.

Rosa Feola (Giulietta) © J. Berger / Opéra Royal de Wallonie-Liège
Rosa Feola (Giulietta)
© J. Berger / Opéra Royal de Wallonie-Liège

Alors qu’il est de bon ton de déplorer régulièrement le tragique déclin voire la disparition de l’art du bel canto, la belle distribution quasi exclusivement transalpine démontre largement qu’il est encore bien vivant. Dans le rôle de Giulietta, Rosa Feola est infiniment touchante. Elle démontre, si besoin était, ce que peut faire une voix au timbre léger et exquis, conduite avec une technique irréprochable et un goût parfait, et toujours dramatiquement crédible dans sa fragilité. Face à elle, Raffaella Lupinacci offre une magnifique interprétation du rôle de Romeo. Son riche mezzo aux graves splendides et aux aigus assurés comme le soin constant qu’elle accorde à la ligne de chant lui permettent de se montrer ferme et sans crainte en ambassadeur des Montaigu auprès des Capulet, mais aussi amoureux sincère et prêt à braver les interdits et à suivre sa bien-aimée jusque dans la mort.

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I Capuleti e i Montecchi à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège
© J. Berger / Opéra Royal de Wallonie-Liège

S’il n’a pas tout à fait le velouté qu’on attend d’un tenore di grazia, Maxim Mironov est bien servi par son timbre clair, son phrasé raffiné et ses aigus sans peur pour le rôle de Tebaldo, ce fiancé dont Giulietta ne veut pas. Roberto Lorenzi met sa basse sombre et sa présence scénique au service de Capellio, inflexible chef des Capulet. Lorenzo, son confident et en même temps complice des amants de Vérone, est incarné par le jeune et prometteur Adolfo Corrado, un baryton au timbre riche et à la diction parfaite.

Enfin, on ne peut passer sous silence la direction tout en subtilité du chef Maurizio Benini, véritable connaisseur de ce répertoire, parfaitement suivi par un chœur et un orchestre en grande forme, où il convient de relever les belles interventions du cor, de la harpe, du violoncelle et de la clarinette.

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