Il est des concerts où l’on se rend avec plaisir et d’où l’on repart avec davantage de plaisir encore. Celui que donnait l’Orchestre Français des Jeunes ce mercredi au Palais des Beaux-Arts était de ceux-là. Quel plaisir d’être en présence de cette bonne centaine de jeunes de 16 à 25 ans, si doués, si enthousiastes, tout encore à la joie de la découverte de leur art et débordants de cette fraîcheur et de cette spontanéité sur lesquelles la routine et l’habitude n’ont heureusement pas encore eu le temps de laisser la moindre empreinte.

Kristiina Poska © Kaupo Kikkas
Kristiina Poska
© Kaupo Kikkas

Et quelle bonne idée d’avoir ouvert la soirée par une œuvre d’aujourd’hui, Recto de Yan Maresz. Constituant à l’origine la première partie d’un diptyque Recto-Verso écrit pour les Ballets de Monte-Carlo, l’œuvre d’une durée d’environ un quart d'heure s’ouvre sur d’impressionnants pizz Bartók des contrebasses, suivis un peu plus loin d’harmoniques des violons. Ayant d’abord quelque chose d’un rituel, le paysage sonore s’anime ensuite et gagne en clarté. On apprécie la pulsion rythmique claire et l’orchestration transparente d’une musique qui peut aussi swinguer quand il faut. Parfaitement tenu en main par sa nouvelle directrice musicale, l’Estonienne Kristiina Poska, cheffe gauchère à la battue d’une parfaite clarté et à la gestuelle claire et sûre, l’OFJ défend brillamment cette partition qu’on espère réentendre bientôt.

Chostakovitch prétendait ne pas faire grand cas de son Concerto pour piano n° 2, cadeau d’anniversaire écrit pour son fils Maxime qui en assura la création en 1959. Dès le début, on est à la fois conquis par l’orchestre finement ironique et impertinent, ainsi que par la netteté et la finesse dont fait preuve Alexandre Tharaud au clavier, en particulier dans une cadence d’une clarté absolue qui sonne très envie de l’entendre dans une œuvre comme le Troisième de Prokofiev.

Dans le si bel « Andante » qui est le cœur de l’œuvre, Kristiina Poska assure une introduction sans faux pathos alors que le soliste déclame sa partie avec autant de simplicité que d’éloquence, gommant toute suggestion de sentimentalité bon marché dans un jeu d’une prenante pudeur. L’« Allegro » final est animé d’un irrésistible élan sans rien de grinçant. Oui, cette musique est assez superficielle, mais qui se plaindra de ce que la mariée soit trop belle ?

Après l’entracte, c’est dans Shéhérazade de Rimski-Korsakov, véritable concerto pour orchestre et carte de visite de toutes les grandes formations symphoniques de la planète que l’OFJ et leur cheffe vont faire la démonstration de l’étendue de leur talent. Si la qualité de toutes les sections de l’orchestre impressionne, il faut bien sûr décerner la palme au violon solo de Nicolas Debart, superbe et subtil narrateur. On en dira autant des solistes des vents, tous pleins de personnalité. Les cordes sont parfois un peu vertes (ce qui est peut-être dû non seulement à la jeunesse des musiciens mais aussi à la qualité de leurs instruments), mais il faut reconnaître que nous sommes ici face à une formation qui n’a rien à envier à bien des phalanges professionnelles.

Kristiina Poska ne cherche pas à faire ici une vaine démonstration d'orchestre, mais tisse patiemment les fils de ce récit aussi beau que virtuose. Dirigeant par cœur, la cheffe impressionne pas sa connaissance absolue de la partition dont elle met toutes les richesses en valeur. Suivie par un orchestre à qui elle a inculqué une superbe discipline, elle exerce une autorité qui n’empêche pas la musique et les musiciens de respirer sans contrainte, dans une vision aussi cohérente que poétique d’une œuvre dont on ne se lasse jamais.

Applaudis à tout rompre par une salle conquise, l’orchestre et sa cheffe accordent au public de Bozar un premier et substantiel bis sous la forme d’une exécution virtuose de l’ouverture de Candide de Leonard Bernstein, avant qu’un OFJ déchaîné – dont la cheffe a rejoint les rangs – ne termine la soirée sur un medley reprenant quelques tubes de la fin des années 1990, dont l’immortel Blue (Da Ba Dee) du groupe italien Eiffel 65.

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