Le Nederlands Dans Theater 2 (NDT 2), la section dédiée aux jeunes talents du NDT, la compagnie de danse contemporaine hollandaise devenue au fil des années l’une des plus prestigieuses troupes contemporaines à travers le monde, est en tournée à la Grande Halle de la Villette. Deux œuvres de tonalité différente y sont présentées : la reprise d’Out of Breath du chorégraphe suédois Johan Inger et la création endiablée Bedtime story, du jeune chorégraphe Nadav Zelner. Un programme un peu court, dont on aurait apprécié qu’il puisse être prolongé d’un troisième tableau, mais qui dévoile de façon exaltante l’énergie et l’exceptionnelle virtuosité de cette génération de jeunes danseurs nés dans les années 2000.

Out of Breath © Joris-Jan Bos | NDT
Out of Breath
© Joris-Jan Bos | NDT

Créé en 2002 pour le NDT 2, Out of Breath est un tableau en clair-obscur conçu par le chorégraphe après la naissance de sa fille, alors suspendue entre la vie et la mort. Le rideau s’ouvre sur un décor abstrait révélant un cylindre blanc à-demi enfoncé dans le sol, une jeune fille affublée d’une robe enfantine et deux hommes vêtus de longues jupes plissées noires et d’un plastron solennel. Ces derniers sont rejoints par un troisième danseur pour former un trio funèbre, et deux autres danseuses, surgies de derrière le cylindre. Les jeunes filles courent vers le public, mais sont entravées par les hommes en noir, qui les immobilisent et les entraînent dans une danse contrainte. Les danseurs ne cessent d’apparaitre et de disparaitre derrière ce tube à moitié chaviré, qui délimite sur scène l’espace entre la vie et la mort.

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Out of Breath
© Joris-Jan Bos | NDT

Les compositions pour violon de Jacob ter Veldhuis et Lajkó Félix accompagnent la chorégraphie en lui donnant, par leur rapidité et leurs accents graves, un caractère d’urgence. Out of Breath se termine par une image symbolique : après que l’un des visages de la mort lui a fait la courte-échelle pour se jucher au sommet du cylindre, une jeune fille reste assise en équilibre, indécise et se tourne vers le public, pour regarder du côté de la vie. Cette œuvre, plus intéressante pour son organisation spatiale que pour sa chorégraphie, est une jolie démonstration de danse – superbement exécutée par la troupe du NDT 2. Le mouvement, un peu trop verbeux, coule avec clarté mais sans rien inventer de distinctif. On a malheureusement souvent l’impression, avec Johan Inger, d’avoir déjà vu ses gestes ailleurs.

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Bedtime Story
© Rahi Rezvani | NDT

On change radicalement d’ambiance avec la création de 2021 de Nadav Zelner, Bedtime story. Né en 1992 en Israël, le chorégraphe célèbre à la fois ses racines tunisiennes et la vitalité heureuse de la jeunesse dans une composition gourmande, conçue comme une fête destinée à nous en mettre plein les yeux. Sur une bande-son de musique orientale enjouée, et ponctuée d’applaudissements nourris, Bedtime story est un tourbillon de mouvements et d’images, avec des tableaux qui s’enchaînent à toute vitesse – à mesure qu’un projecteur sporadique, de couleur tantôt chaude tantôt froide, éclaire des sous-groupes de danseurs virevoltants, en solo, duo, quatuor ou amassés en grappe.

D’une musicalité absolue, la danse saccadée et précise de Nadav Zelner exploite à plein l’énergie et la virtuosité de danseurs superbes, parmi lesquels les talentueux Samuel van der Veer, Ivo Mateus, Rui-Ting Yu, ou encore Sophie Whittome. Malgré l’absence de décor et pour tout costume des tee-shirts et des yeux grimés de noirs, Nadav Zelner nous offre un grand show, sans subtilité mais plein de joie, qui utilise toutes les dimensions du corps, jusqu’aux expressions du visage (sourires et grimaces, langues tirées, yeux écarquillés). S’il évoque ses cauchemars d’enfance dans la pièce, le chorégraphe en fait un condensé plus extravagant qu’effrayant, bal joyeux dansé à plein régime.  

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