Présent dès la naissance du Festival d’Aix-en-Provence avec Così fan tutte en 1948, Mozart est resté dans l’ADN de la manifestation, même s’il est réduit cette année à une unique représentation de concert de La Clemenza di Tito. Mais qu’importe finalement la quantité quand la qualité est excellente ! Dès les premières notes de l’ouverture, l’oreille tombe en effet ce soir sous le charme d’une musique particulièrement vivante et séduisante, aux nuances variées et pleines de relief, aux tempos généralement rapides, mais qui sait aussi à l’inverse ralentir de manière presque suspendue.
Aux commandes de ses chœur et orchestre Pygmalion, Raphaël Pichon ne relâche à aucun moment son énergie communicative, osant certaines originalités qui fonctionnent parfaitement, toujours en phase avec l’action du livret. Pour exemple (parmi de très nombreux), l’entrée de Tito sur un tempo très rapide, qui retire sûrement un peu de solennité à la marche de l’empereur, mais constitue un choix finalement bien en lien avec son humanité et sa clémence à venir. Distribué pour cette édition aixoise sur la série de Samson, l’orchestre sur instruments d’époque fondé par son chef il y a bientôt vingt ans se montre au meilleur de sa forme, en termes de cohérence, de virtuosité, d’expressivité du jeu. Le chœur également reste constamment attentif à la qualité de prononciation, ainsi qu’aux nuances forte-piano, comme pour l’incendie du Capitole qui conclut le premier acte, lorsque les choristes chantent d’abord dos tourné au public, produisant un bel effet acoustique.
Le plateau vocal est également très relevé, avec deux prises de rôles importantes, dont celle de Pene Pati en Tito. Le ténor samoan fait entendre un large médium dans son récitatif d’entrée, conférant une autorité certaine à l’empereur. Son air « Del più sublime soglio » qui suit est une merveille de douceur conduite avec délicatesse, alors que son grand air de l'acte II « Se all'impero » le voit un peu en difficulté pour les passages vocalisés. Incarnant Vitellia pour la première fois, Karine Deshayes assume crânement ce rôle de « méchante de l’histoire », alliant musicalité et force de projection du registre aigu, tandis que la partie grave sonne parfois plus discrètement.
Le Sesto de Marianne Crebassa recueille une ovation assez considérable à l’issue de son grand air du premier acte « Parto, parto », en duo à l’avant-scène avec le cor de basset. Le chant est à fleur de lèvres et chargé d’émotion, la mezzo sachant garder son sang-froid lorsque, dans le silence des mots « Guardami, guardami », c’est un spot qui explose dans les étages supérieurs de la salle. Mais quelle beauté du timbre et quelle vélocité dans les passages rapides !

Autre mezzo de choix, Lea Desandre détaille avec goût l’air d’Annio « Torna di Tito a lato », de son instrument séduisant et d’égale qualité sur toute la tessiture. En Servilia, la soprano Emily Pogorelc déploie un joli timbre très aérien, mais l’intonation ne semble malheureusement pas toujours parfaite. Enfin, Nahuel di Pierro est un Publio de luxe, voix grave richement timbrée et solide, venant compléter idéalement la distribution de cette très belle Clemenza di Tito.