Entre Lyon et Genève, entre les méandres de l’Ain et les contreforts du Jura, en plein cœur d’un petit village entouré de champs et d’hectares boisés, une abbaye pluricentenaire aux murs clairs se transforme, chaque mois de septembre, en capitale européenne de la musique ancienne. La tradition ne date pas d’hier : le Festival d’Ambronay existe depuis 1980 et la création d’une Académie baroque, il y a trente ans, a contribué à ancrer la manifestation dans le paysage des institutions musicales dédiées à la pratique historiquement informée, faisant de ce haut-lieu le point de départ d’une quantité de carrières artistiques. Plus récemment, le projet s’est développé dans le temps et dans l’espace. Ambronay est désormais un « Centre culturel de rencontre », actif tout au long de l’année, et son Académie a pris un rayonnement international au sein du programme Eeemerging+, en partenariat avec une dizaine de belles institutions européennes : artistes et spectateurs du monde entier se rendent aujourd’hui à Ambronay comme autrefois on partait en pèlerinage.

Malgré ce changement d’échelle, Ambronay entretient ses coutumes festivalières : à partir du 15 septembre prochain, c’est comme d’habitude pendant quatre week-ends que l’abbaye va accueillir une quantité de représentants de la scène baroque française et internationale, en restant fidèle aux artistes passés par ses murs : c’est ainsi que la soprano Patricia Petibon et Héloïse Gaillard, anciennes pensionnaires de l’Académie et complices de longue date, se retrouveront pour un programme royal croisant les destins de l’impératrice Agrippine (avec Haendel), de la Queen Mary (avec Purcell) et d’Aliénor d’Aquitaine (dans une création de Thierry Escaich). Parmi les autres anciens de l’Académie, Stéphanie d’Oustrac et Vincent Dumestre sont très attendus pour leur tour de chant original qui marie les passacailles anciennes, les grands drames opératiques et les chansons (parfois lestes) des années 1930 : gare au choc des cultures ! Quant à Ophélie Gaillard, elle reviendra également pour mieux entraîner les spectateurs avec elle dans les chants et les danses napolitaines du début du XVIIIe siècle, en compagnie de son Ensemble Pulcinella et du contre-ténor Christophe Dumaux.
Comme la violoncelliste, qui avait dirigé l’Académie du festival l’an passé, plusieurs chefs passés par cette fonction sont invités à nouveau : à la tête de sa Cappella Mediterranea, Leonardo García Alarcón poursuivra son exploration de l’œuvre du compositeur viennois Antonio Draghi, avec l’oratorio Il dono della vita eterna où Ciel et Terre s’entrechoqueront pour le salut des Hommes. Paul Agnew prolongera la tradition de ses cycles a cappella avec Les Arts Florissants, le temps d’un office construit autour de la musique de William Byrd qui transformera l’abbaye en havre de l’Angleterre élisabéthaine. Quant à William Christie, il fera son retour dans une formation intime aux allures de passage de témoin entre deux générations : c’est en duo avec le jeune violoniste virtuose Théotime Langlois de Swarte que le chef et claveciniste interprètera un programme de sonates françaises hautes en couleur.
Les fans de violon baroque en général et de Théotime Langlois de Swarte en particulier seront gâtés, puisqu’il reviendra à cet artiste attachant de conclure le Festival au sein de son fameux ensemble Le Consort dans Les Quatre Saisons de Vivaldi. La boucle sera bouclée après le concert d’ouverture assuré par Amandine Beyer et Gli Incogniti, qui auront donné à entendre un tout autre style de violon baroque italien : les concertos d’église de Corelli, avec leur alternance de pages recueillies et d’envolées jubilatoires. Autre archet historiquement informé, Julien Chauvin viendra diriger son Concert de la Loge dans le Requiem de Mozart – et se mettra en avant dans une Symphonie concertante qui devrait valoir le détour, le violoniste évoluant pour l’occasion au côté d’Amihai Grosz, le célèbre alto solo des Berliner Philharmoniker.
De manière générale, le Festival soigne l’équilibre entre œuvres fameuses du répertoire et raretés à découvrir. Au rayon des tubes, les fans de Bach ne manqueront pas la Passion selon saint Jean donnée par des artistes habitués d’Ambronay (l’ensemble Les Surprises dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas), et ils pourront prolonger la semaine suivante avec Il Convito, l’ensemble de la claveciniste Maude Gratton, qui proposera un programme intégralement instrumental et exclusivement consacré au cantor de Leipzig. Quant aux amateurs de gosiers virtuoses et de grands airs lyriques italiens, ils pourront se tourner vers le récital de l’extraordinaire sopraniste brésilien Bruno de Sá, qui sera accompagné de l’Ensemble 1700. Du côté des pépites à venir dénicher, Les Ombres proposeront après des années de travail acharné la recréation mondiale d’une tragédie d’André Cardinal Destouches, Télémaque, tandis que la claveciniste Marie van Rhijn portera son nouvel ensemble L’Assemblée sur les fonts baptismaux avec des motets français rares et inédits.
Fidèle aux artistes français déjà passés par ses murs, le Festival d’Ambronay cultive par ailleurs une ouverture internationale favorisée par Eeemerging+. Le quatuor vocal catalan Cantoría, les quatre musiciens allemands de PRISMA, l’ensemble espagnol des Ministers of Pastime ou le grand chœur anglais ORA Singers donneront à l’Abbaye des allures de joyeuse tour de Babel le temps d’un mois. Une tour dans laquelle chacun trouvera son créneau : concerts itinérants, conférences musicologiquement informées, afters festifs au bar du Festival, ateliers familiaux et autres visites guidées viendront rythmer une édition 2023 qui se veut sans temps mort et ouverte à tous les publics.
Cet article a été sponsorisé par le Centre culturel de rencontre d'Ambronay.