Après avoir sublimé la musique instrumentale baroque, le festival de musique sacrée de Nice se tourne en ce vendredi soir vers le répertoire vocal contemporain. Au programme de cette soirée presque caniculaire : le Requiem XIX du compositeur français Laurent Couson ainsi que la création mondiale de son Book of Life. Placées sous le signe de la tolérance, ces œuvres prônent la fraternité et le vivre ensemble.

À peine entré dans une Cathédrale Sainte-Réparate embaumée d’encens, le public est transporté dans un univers de spiritualité et de sérénité. C’est bien l’ambiance recherchée par le festival, qui accueille pour l’occasion élus locaux et représentants religieux. Les cloches de la bâtisse sonnent les vingt heures, les lumières se tamisent, l’heure est venue pour les musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Nice et les choristes de l'Opéra de rejoindre l'espace scénique.
La première pièce (The Book of Life), dont nous entendons quatre extraits, porte sur une traduction des textes de L’Ecclésiaste. Le langage employé par le compositeur se caractérise par une superposition de lignes mélodiques tonales et consonantes. L’effectif, composé de cuivres, timbales, piano, chœur et soprano soliste, débute en puissance, se livrant à des sonorités staccato qui résonnent contre les murs de l’église. Dès lors, l’acoustique apporte une dimension supplémentaire à l’expérience musicale. La soprano Melody Louledjian use d’un vibrato maitrisé ; sa diction est naturelle et bien articulée. Les moments d’intensité dramatique s’équilibrent avec des passages plus calmes et contemplatifs, créant ainsi une dynamique captivante. Les pupitres de femmes sont placés de part et d’autre de la scène, produisant de fascinants effets de spatialisation. Les dialogues entre la soliste et le chœur sont bien exécutés, cultivant une atmosphère mystique et envoûtante tout au long de la performance.
Le temps de laisser la parole aux élus et membres de la communauté de chacune des trois religions monothéistes, les artistes s’installent pour le Requiem XIX, sur le thème de Babel, dont le texte a la particularité de mêler français, latin, hébreux et arabe. Le message de paix délivré par le compositeur est porté par un langage musical tout en contraste, qui juxtapose sans transition des passages aux textures et tempos opposés, des fanfares côtoyant sans réserve des pages apaisées. Il en est de même pour l'alternance entre les lignes solistes et les morceaux aux allures de choral. Mais bien que chaque pupitre parvienne avec aisance à maintenir sa partie, l'ensemble des chanteurs a du mal à poser ensemble les consonnes en fin de phrase – qu'il aurait peut-être fallu gommer davantage.
Appliqué, le pianiste Julien Martineau s’adonne au chant intérieur des thèmes de la trompette afin d’assurer la polyrythmie. Ses lèvres se meuvent au gré des interventions à contretemps des cuivres tandis qu’il effectue un accompagnement lié, lisible, aidé de son toucher souple et habile. De leur côté, les cuivres se montrent efficaces dans le jeu rapide et staccato. Le chœur expose quant à lui une belle variété dynamique. Soucieux de mettre en valeur l’intensité émotionnelle du texte, Laurent Couson déploie une direction particulièrement ample et engagée. Les messages de paix, les sons cuivrés mêlés aux multiples dorures et représentations bibliques tournent dans l’air du soir ; le rêve d’harmonie tant désirée embaume maintenant chaque membre de l’audience.