Le spectacle Squeak Boum ! représente le dernier maillon d’une réaction en chaîne. En 2021, pendant le confinement, Francesco Filidei compose des Proésies destinées à la soprano Jeanne Crousaud sur des textes de Federico Sardelli. Celle-ci les diffuse sur YouTube, pour garder contact avec le public. Après la pandémie, la chanteuse décide de donner une vie scénique à ces pièces en adjoignant des textes de Jacques Rebotier et Daniil Harms. Après les premières représentations au Théâtre de Caen en février 2025, cette co-production arrive un mois après au Théâtre de l’Athénée.

<i>Squeak Boum !</i> au Théâtre de l'Athénée &copy; Guy Chuiton
Squeak Boum ! au Théâtre de l'Athénée
© Guy Chuiton

Ce samedi, sur les planches, Jeanne Crousaud forme avec la percussionniste Hélène Colombotti un duo comique affublé de jaune : sweat à l’imprimé smiley, chaussons poussins. Sur le plateau, une scène en bois délimite l’espace de déplacement et permet aux deux musiciennes de disparaître dans des trappes. À part une grande malle, une sonnette, des couvertures de survie, un téléphone et un triangle, pas d’autres accessoires visibles. Économie et écologie de moyens.

À la fois sollicitées dans les rôles de comédiennes, clowns, jongleuses, mimes et musiciennes, les deux artistes s’investissent avec plaisir dans cet ovni musico-théâtral. Les textes de Jacques Rebotier récités à toute vitesse et synchrones sont toujours compréhensibles. La soprano, qui doit parfois volontairement chanter faux, passe d’une saynète à l’autre avec une grande versatilité.

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Squeak Boum ! au Théâtre de l'Athénée
© Guy Chuiton

Dans l’enchaînement parfois maladroit des saynètes du spectacle, on comprend rapidement que les deux personnages ne peuvent sortir du périmètre de la scène, confinement forcé. Ils essaient pourtant, en cassant le quatrième mur. Au parterre, affolée, Hélène Colombotti cherche désespérément la sortie. Un troisième personnage (la comédienne et metteuse en scène Irem Tasdan) partiellement extérieur à l’action, tient le rôle d’accessoiriste, de régisseur et de gardien. Le spectacle commence par son discours qui rappelle de manière grinçante d’éteindre les téléphones et qui assure au spectateur que « tout ira bien ». Entrecoupée de bruits de collision, de dérapage, de cloche, de glissando, l’annonce contient déjà le substrat de la pièce : transformer les bruits du quotidien en musique, faire s’entrechoquer les phrases et les syllabes avec un maître mot, absurde.

Si une altercation en homophonie précède un jonglage de foot rythmé par la percussion (Hélène Colombotti impressionnante de maîtrise), avant un bonneteau de boîtes à « meuh » et une czardas sur un métallophone pour enfant, le fil rouge du Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion se transforme en un finale flamboyant. Après avoir écouté la chanson au début du spectacle comme une action du quotidien confiné, Jeanne Crousaud l’interprète drapée d’une couverture de survie tandis qu’Hélène Colombotti accompagne au kazoo et dansant les claquettes.

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Squeak Boum ! au Théâtre de l'Athénée
© Guy Chuiton

Tout de suite reconnaissables par la qualité de l’écriture rythmique et vocale, les Proésies de Francesco Filidei s’insèrent dans la trame du spectacle mais ne semblent pas vraiment en être le point de départ. Si l’on comprend qu’il n’y a pas de récit et que l’absurde fait transition, les pièces du compositeur italien auraient surement pu être reliées de façon plus convaincante. Le rythme du spectacle manque souvent de dynamisme. Malgré cela, l’immersion dans une bande dessinée scénique forgée de sons bruiteux et d’onomatopées fait son effet.

La metteuse en scène Emily Wilson agrémente l’action de vidéos qui surtitrent avec sarcasme l’action des personnages, qui mettent en valeur les objets utilisés par les deux musiciennes ou qui font défiler des smileys ou des poussins dansants. Un clin d’œil aux costumes dans l’esprit gif internet qui contribue au décalage humoristique. L’utilisation d’objets du quotidien crée un lien direct entre la scénographie et la musique et participe au didactisme joyeux du projet qui déclenche autant le rire des enfants que des adultes. On se demande en revanche si l’efficacité de l’absurde n’aurait pas mieux fonctionné dans un temps plus court avec des saynètes moins irrégulières.

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