Aux grands maux les grands remèdes. Face à la fermeture des salles de concert qui dure, le service public audiovisuel français proposait ce mardi, via la nouvelle chaîne Culturebox, toute une soirée consacrée aux deux orchestres de Radio France. L’Orchestre Philharmonique entame, à partir de 22h40 et après un concert franco-russe du National, une deuxième partie de soirée entièrement vingtiémiste.

Mirga Gražinytė-Tyla dirige l'Orchestre Philharmonique de Radio France
© Mathieu Génon

Outre Chostakovitch et Stravinsky, le programme affiche une courte et pieuse aria ainsi que la Symphonie n° 3 du Polonais Mieczysław Weinberg (1919-1996). La brillante Mirga Gražinytė-Tyla qui dirige ce soir est une fervente défenseure de ce compositeur encore trop peu connu : elle vient d’enregistrer ses Symphonies nos 2 et 21 dans un splendide disque pour Deutsche Grammophon. La cheffe fait ressortir avec netteté les différents caractères des mouvements, avec un sens des contrastes et des atmosphères maîtrisé et assumé. Tandis qu’on entend un début fourmillant aux cordes, surgit soudain un hautbois qui déroule un thème aux accents pastoraux et paisibles, sublimé par le son rond et chaud de Jérôme Guichard. Le développement se fait plus guerrier, tout comme le dernier mouvement qui fait alterner grandes fresques en tutti et moments plus intimistes. Les deux mouvements centraux, entre espièglerie et naïveté, comme ce thème d’une touchante innocence admirablement porté par Jérôme Voisin, viennent compléter une symphonie qui gagnerait à être plus jouée et entendue.

Patricia Kopatchinskaja
© Mathieu Génon

L’autre temps fort de la soirée était l’interprétation très imagée du Concerto pour violon nº 1 de Chostakovitch par la déroutante Patricia Kopatchinskaja. Tout est question ici d’ambiances et de narration qui tiennent en haleine l’auditeur. Connue pour sa personnalité musicale affirmée, la violoniste russe pose d’emblée le cadre, avec une sonorité brute, absolument pas vibrée, créant immédiatement un climat de désolation qui fait froid dans le dos. L’entente est parfaite avec l’orchestre, qui suit avec attention les moindres faits et gestes de la soliste. Il faut dire que Gražinytė-Tyla tient solidement la barque, avec un geste sûr et droit, quoique parfois trop ample pour être réellement efficace, et qui laisse parfois les cordes légèrement en retard. Le somment du mouvement est atteint avec l’immense cadence de la « Passacaglia » centrale, là encore très narrative, qui installe une grande tension à la limite du supportable. Les mouvements rapides sont tout aussi convaincants, où la soliste adopte un son tranchant et une virtuosité glaciale qui conviennent parfaitement à cette musique. On pourra trouver çà et là que la violoniste va trop loin dans ses intentions, mais ses partis pris donnent à ce concerto un ton crépusculaire qui comble ses excès.

L'Orchestre Philharmonique de Radio France dans son Auditorium
© Mathieu Génon

Un élément viendra néanmoins mettre un bémol à cette soirée : le support de diffusion, Culturebox. Lancée en grande pompe en février dernier par la Ministre de la Culture et prolongée jusqu’en août, la chaîne 100% culture de France Télévisions n’apporte rien de significatif par rapport à une plateforme de streaming quelconque comme il en existe désormais partout. Pas de présentation du concert, pas d’informations en description autre que le programme avec œuvres et interprètes, pas d’indication de changement de mouvement, pas d’innovation majeure en termes de réalisation et un générique qui file trop vite pour avoir le temps de lire le nom des différentes personnes impliquées dans la réalisation. C’est bien dommage pour une chaîne de service public pourtant entièrement consacrée à la culture.


Concert chroniqué à partir du streaming proposé sur Culturebox.

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