L’attente était grande : fruit d’une première collaboration entre l’Auditorium de Lyon et le Festival d’Ambronay, à la fois choix évident pour fêter les cinq-cents ans de la Réforme et symbole universaliste – pour son ancrage catholique –, la Messe en si, importée ici de Leipzig par son Bach Consort et l’Orchestre Baroque de Saxe (Sächsisches Barockorchester) dans le cadre du jumelage entre le berceau du Cantor et Lyon, ressemblait à une belle promesse. De quoi regretter d’autant plus une prestation qu’on ne peut que qualifier de rendez-vous manqué, et que la seule absence à l’affiche de la basse Tobias Berndt ne saurait expliquer. 

Malgré la solidité du continuo et la qualité évidente des voix, on est ainsi vite désarçonnée, dès le « Kyrie Eleison », par le manque d’homogénéité du tout. Les inexactitudes sont dérangeantes, mais moins que le grain trop prononcé du son : tout dépasse, des individualités des voix aux petites mais systématiques désolidarisations entre pupitres chez les cordes, et le choix de refuser tout legato et de hacher trop ostensiblement les phrases ne s’avère pas payant pour la direction expressive mais saturée de Gotthold Schwarz. Certes triomphantes, les trompettes du « Gloria in excelsis » ratent sensiblement toutes leurs notes. Le Laudamus te, fort de la prestation toute en amplitude, souplesse et nuances de Susanne Krumbiegel, a du mal à se remettre des faussetés du violon solo et du décalage très remarqué de la basse continue. L’élégant « Qui sedes ad dextram patris » bénéficie du liant, des intentions et de la clarté de la belle voix de tête de David Erler, mais souffre inévitablement des à-côtés du hautbois d’amour. Philipp Goldmann remplace au pied levé et sans trop de difficulté Tobias Berndt sur « Quoniam tu solus sanctus », mais ne peut rien contre l’écrasante fausseté du cor et des bassons. Le « Cum Sancto Spiritu » conclue plus fièrement la première partie du concert et lui insuffle une nouvelle énergie salutaire, mais sans convaincre totalement.

Les choses s’arrangent nettement après l’entracte : sur le canon de « Credo in unum Deum » ou le fourmillement d’ « Et resurrexit », la direction de Schwarz se fait plus incisive, plus enlevée, bien que détachement devienne martèlement de chaque note sur le Crucifixus, au détriment des traits. Sur un pied d’égalité avec Susanne Krumbiegel le temps d’un « Christe Eleison » de bonne tenue, la solide et délicate Hanna Zumsande veille, le temps du plus enlevé « Et in unum dominum », à ne pas effacer le timbre plus léger d’un David Erler qu’on devine en petite forme. Le « Confiteor » et l’ « Et expecto » s’enchaînent gracieusement, jusqu’à un éclatant « Sanctus ». Porté par de beaux traversos et la voix claire et bien placée de Tobias Hunger, le « Benedictus » émeut l’assistance,  de même qu’un « Agnus dei » un brin plus maniéré, lorgnant vers des pianissimi et une excessive lenteur, mais tirant le meilleur de la pureté du timbre de David Erler et de la beauté, terrassante, de la partition. La conclusion, sur un « Dona nobis pacem » sans excès, joyeux mais jamais fanfaron, entonné à juste distance, est tout sauf déshonorante. De quoi rêver à une autre rencontre, bouleversante, avec le Cantor et son Leipzig natal – rencontre que l’on sait possible.

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