La scène nationale Tarbes Pyrénées Le Parvis recevait mardi dernier à Ibos une version singulière de Tosca, proposée en tournée par le Théâtre Impérial-Opéra de Compiègne. Sur la base d’une initiative oisienne débutée en 2023 et soutenue par de nombreux partenaires dont le CNM et la SPEDIDAM, cette production allégée et sans entracte se concentre sur l’essence du psychodrame original, conçu par Giacomo Puccini en 1900. In fine, cette version mise en scène par Florent Siaud est convaincante : l’action reste lisible et les affects exploités à leur pleine mesure, ce qui permet du même coup de toucher un public sans doute différent des habitués des salles d’opéra.

Alexandra Cravero, cheffe de la tournée, dirige un Orchestre des Frivolités Parisiennes réduit à l’ensemble de chambre, où quasiment tous les instruments se retrouvent individualisés, exception faite des cors et trombones. Malgré une acoustique peu accueillante, elle fait savamment sonner l’ensemble comme un seul homme, ne laissant le violon ou les cuivres déborder qu’aux moments opportuns. Le chœur Les Métaboles s’ajoute en bande sonore préenregistrée sans problème de coordination, de même que les chanteurs.
Les décors de Romain Fabre découpent d’efficaces silhouettes au fur et à mesure des actes. Que ce soit pour l’église, pour le salon noble ou pour l’extérieur, le rouge est partout, pour mieux marquer l’hybris des uns et des autres, au cœur de la pièce. Les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz sont eux plus discrets, exception faite des costumes militaires rappelant les années 1930. En arrière-fond, la vidéo d’Éric Maniengui diffuse une nuit nuageuse, puis une lune argentée, qui devient énorme et oppressante alors que les personnages meurent les uns après les autres, pris dans leurs contradictions et leurs déterminismes. La scène étant entièrement occupée par le plateau vocal et l’orchestre (placé à hauteur de public juste devant), la scénographie reste limitée à quelques allées et venues, il est vrai parfois habilement placées, comme devant le rideau baissé lors des changements de décors. La projection de différentes statues Renaissance n’apporte en revanche pas grand-chose à l’ensemble.
Dans ce cadre fonctionnel mais nécessairement réduit, l’opéra repose davantage sur les chanteurs que pour une mise en scène classique. La recherche de l’invariant psychologique et de l’intimiste allait-elle s’incarner dans la performance vocale ? Dans le rôle-titre, Marie-Laure Garnier incarne à merveille la jalouse comme l’amante, la désespérée comme la naïve, la fuyante comme la courageuse. Elle n’hésite pas d’ailleurs à exposer à pleine puissance de grands forte et suraigus, quitte à maltraiter quelque peu les descentes, mais cela pour mieux illustrer la variété d’affects de son personnage. À ses côtés, Joel Montero (Mario Cavaradossi) est un peu plus fade, ne rivalisant pas sur le plan vocal, même dans l’air de bravoure révolutionnaire qui lui confère une place importante. Chacun poursuit de son côté avec ses intentions cachées et ses manipulations.
C’est surtout le baryton Christian Helmer qui donne la réplique à Marie-Laure Garnier : son Scarpia est implacable en tortionnaire habile, mais aussi doucereux et suave lorsqu’il s’abandonne à ses vices. Etienne de Bénazé en Spoletta donne un bel échange avec Mario. Mathieu Gourlet (Sciarrone) et Adrien Fournaison (Angelotti) sont en revanche peu audibles dans l’acoustique sèche de la salle et ce malgré un orchestre en petit effectif et l’aide, habituelle au Parvis, d'une sonorisation discrète.