Cinq-Mars, publié par Alfred de Vigny en 1826, est considéré comme le premier grand roman historique français. L’action se situe au début du XVIIème siècle, à la cour du roi Louis XIII. Le marquis de Cinq-Mars gagne l’estime du roi en organisant un mouvement d’opposition au cardinal de Richelieu. Cependant complots et trahisons permettent à ce dernier de triompher. Conduit au supplice avec son ami de Thou, Cinq-Mars devient quelques siècles plus tard le symbole de toute une génération romantique.
L'adaptation du roman en opéra est liée à la commande du directeur de l’Opéra-Comique, Léon Carvalho, à Charles Gounod (1818-1893) qui revient ainsi sur le devant de la scène lyrique après dix ans d’absence. Composé en trois mois de fin 1876 à début 1877, l'opéra ne reprend du roman de Vigny que le chapitre XXII chez Marion Delorme - la Carte du Tendre et la conspiration - et s’inscrit dans la lignée du grand opéra historique. Gounod transforme également le personnage du Père Joseph pour en faire par certains côtés un homme proche du Frollo de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo : un homme d’église mauvais, aux antipodes de toute attente.
La présentation en version de concert faite à l’Opéra Royal de Versailles est une re-création puisque cet opéra était tombé dans l’oubli depuis un siècle. Dirigé par Ulf Schirmer, le Chœur de la Radio Bavaroise, l’Orchestre de la Radio de Munich et les solistes ont donné une très belle soirée. Il est regrettable cependant que les longueurs du texte aient pu parfois distraire le spectateur.
Gounod plante le décor musical dans les deux premiers actes avant d’introduire quelques néoclassicismes, qui m’ont fait songer à ceux que l’on retrouve plus tard également dans Manon (1884) de Jules Massenet. Ainsi le divertissement chez Marion Delorme témoigne de cette caractéristique avec son menuet introductif, de même que le ballet allégorique de la Carte du Tendre et le sonnet du berger qui rappelle par sa délicatesse un fabliau. L’opéra ne contient toutefois pas d’air célèbre, à part "Nuit resplendissante", mais des refrains parfois entêtants comme « Sauvons le roi ! Sauvons la noblesse et la France ! » à la fin de l’acte II. Moins de cinq ans après l’échec d'une nouvelle Restauration avec le comte de Chambord, on peut s’interroger sur le message que souhaitait délivrer le compositeur.