C’est une salle pleine qui, à l'Opéra de Toulon, a répondu présente pour une série de trois représentations d’une nouvelle production de Die Zauberflöte du divin Mozart. Au final, quelques huées de circonstance mais surtout des applaudissements sont venus accueillir les artistes après trois heures de spectacle qui, il faut bien le dire, nous sont malheureusement apparues assez longues.
La faute en premier lieu à la distribution vocale peut-être trop jeune et peu à l'aise dans le répertoire et le style mozartien. L'écriture de Mozart nécessite des interprètes de la simplicité, peu de fioritures, pas d'abus dans l'ornementation et rend indispensable un soutien permanent des lignes et phrases musicales. Pourquoi donc certains se plaisent-ils à exposer des ornementations à de nombreuses reprises (ornementations souvent plus décoratives que faisant véritablement sens) avant même l'exposé de la phrase musicale d'origine ?
Annoncée souffrante en début de représentation, Andreea Soare (Pamina) s’en tire pourtant avec tous les honneurs grâce à un timbre hypnotique et un parfait dosage dans l’usage des nuances. Les aigus sont limpides, sans tension et délicatement amenés. L’air « Ach, ich fühl’s » apparaît comme le point d’orgue de la soirée, présenté avec une juste intériorité. Le Papageno d’Armando Noguero est également élégant notamment dans l’air « Ein Mädchen oder Weibchen ». Soulignons sa belle prestation d’acteur à la hauteur de ce magnifique rôle.
En deuxième lieu, la direction musicale d’Alexander Briger assure l’essentiel mais l’Orchestre de l’Opéra de Toulon pourra probalement gagner en homogénéité : l'orchestre se distingue surtout positivement du côté des cordes. Les vents seront en revanche plus incertains, et le Chœur ne convainc pas davantage du fait d’un manque d’ampleur et de cohérence parfois dommageable.
Quant à la mise en scène, reportons-nous à la note d’intention écrite par le metteur en scène : « Les esclaves de la cour du sage Sarastro se retrouvent dans les robots de notre futur proche, les prêtres d’Osiris peuvent être ceux des puissances de l’argent basées pour un temps à Wall Street, et Tamino est aisément le prince que nous voyons aujourd’hui dans les stars de la pop mondiale ». S’il est déjà difficile de cerner les intentions de René Koering à la simple lecture de ce texte, le résultat visuel n’est guère plus parlant tant les superpositions d’assimilations et de références finissent par perdre totalement le spectateur : Dark Vador (alias Monostatos) parade donc librement dans ce qui ressemble vaguement à Wall Street (en réalité une maigre projection de toits de New-York…) tandis qu’Elvis Presley (Tamino) se met à la guitare électrique… Les décors ne valorisent pas davantage le spectacle : trois murs blancs et d’inévitables projections qui masquent mal l’absence de propos de la mise en scène.
Rien ne s'arrange au moment où l’on comprend que l’intégralité des textes parlés ont été réécrits et vidés de leur substance par une traduction peu soucieuse de subtilité. Les spectateurs auront au moins le loisir de réviser trois langues différentes en une seule soirée : le chant est en effet en allemand, la majorité du texte parlé en français (mais interprété par des non francophones, ce qui rend le surtitrage indispensable à qui souhaite suivre l’intrigue et induit une inévitable chute de rythme…) et pour le monde de Sarastro, en anglais (pourquoi ?).
En définitive, une Flûte sans vision clairement identifiable, qui tend plus que tout autre chose vers l’opérette grivoise avec des gags dignes d’une Geneviève de Brabant. Dommage car la présente production souhaitait pourtant établir un pont entre passé et présent, souligner l’intemporalité du propos de Mozart et « prendre tous les accents et toutes les couleurs du monde d’hier comme celui d’aujourd’hui ». Une occasion manquée.