Niché dans de merveilleux jardins de style Tudor, le château d’Hardelot accueille son Midsummer Festival dont l’éclectique programmation fait souvent la part belle à la musique baroque. Aux abords des remparts, le théâtre élisabéthain conçu par Andrew Todd proposait cette année un éventail plus large pour fêter la réouverture généralisée des lieux de concerts. 

Ce premier juillet accueille le violoniste Théotime Langlois de Swarte et le luthiste Thomas Dunford pour un récital dans l’esprit des concerts domestiques du début du dix-huitième siècle, fidèle reflet de leur disque « Mad Lover » récemment paru chez Alpha. L’intimité du lieu et son acoustique particulièrement chaleureuse conviennent idéalement à l’identité sonore du projet, nulle résonance du luth n’échappe à l’auditeur et l’archet peut volontiers tenter les pianissimos les plus ténus.

Si le cousin Daniel de Henry Purcell, la famille Eccles, les Matteis père et fils n’ont laissé qu’une trace discrète dans l’histoire, les deux jeunes musiciens entendent en raviver la flamme improvisatrice et débusquer les traits de génie sous les esquisses manuscrites. Pari ô combien tenu puisqu’entre le ground mystérieux de John Eccles et la chaconne de Matteis, le voyage nous fait visiter des contrées aux populaires accents rythmiques, goûter les raffinements du prélude de Henry Purcell, admirer le pur chant corellien d’Henry Eccles ou les bariolages échevelés de la fantaisie de Nicolas Matteis. Archet souverain, discours d’une inépuisable variété soutenu par l’inventivité harmonique et le goût infaillible d’un luth royal : on admire cette technique volubile au service d’un discours prenant, de surcroit très attentif aux exigences de l’acoustique du lieu.

En bis, « À Chloris » de Reynaldo Hahn où le luth remplace sans difficulté le piano, quelques variations traditionnelles sur « John come kiss me now » et un « Yesterday » des Beatles repris dans la salle achèvent de la plus charmante façon ce moment magique où un public conquis a pu entendre en toute simplicité un violon Stainer de 1665…

Tout aussi prometteur puisque lui aussi précédé d’un disque signalé par la critique, le récital de Véronique Gens du lendemain pâtit en revanche d’une acoustique insuffisamment comprise. Le florilège de mélodies françaises transcrites pour quintette avec piano prend quelque temps pour trouver un équilibre sonore propice à l’expression de la voix, une certaine fébrilité des cordes d'I Giardini troublant les harmonies larges et flatteuses du Nocturne de Lekeu ou contraignant la large ligne de « L’Île inconnue » de Berlioz. Même constat dans le délicieux « Désir de l’Orient » de Saint-Saëns où la soprano reste en retrait du cadre instrumental évocateur d’un Orient de fantaisie hélas nourri d’un vibrato systématique et envahissant.

Réalisant enfin une fusion des timbres dans l’acoustique très vivante du théâtre, la Chanson perpétuelle de Chausson s’ouvre à plus de nuances et de simplicité, de même « Ceux qui parmi les morts d’amour » de Ropartz laisse s’épanouir le timbre noble et soyeux de la soprano et calme les ardeurs des cordes. Un piano étincelant dans le primesautier extrait du quintette de Widor, une « Vie en rose » très chic et le fameux « J’ai deux amants » de Messager apportent un éclat inattendu à cette nuit sans étoiles.


Le voyage de Philippe a été pris en charge par le Midsummer Festival d'Hardelot.

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