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Tarmo Peltokoski fait resplendir la Sea Symphony de Vaughan Williams à Toulouse

Par , 12 janvier 2025

Alors que la Sea Symphony de Ralph Vaughan Williams est si rarement programmée dans les grandes salles parisiennes, Tarmo Peltokoski se saisit d’un défi qui surprend tout le monde : donner l’intégrale des symphonies du compositeur britannique, à commencer par cette Première Symphonie « de la mer » qu’il dirige ce soir avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse.

Tarmo Peltokoski dirige la Sea Symphony de Ralph Vaughan Williams à Toulouse
© Romain Alcaraz

Pendant les sept années d’élaboration de cette œuvre (1903 à 1910), Vaughan Williams joue avec une grande influence française : il a en tête Ernest Chausson et son Poème de l’amour et de la mer, ainsi que les lumières et la mobilité du triptyque La Mer de Debussy. Ses leçons auprès de Ravel sont également décisives car celui-ci lui enseigne à orchestrer par touches de couleurs et non en ligne. Il est en même temps infiniment de son île, puisqu’il passera sa vie à répertorier des centaines de chants populaires anglais que l’on retrouve dans sa musique. Musique sous influences, peut-être, mais surtout une symphonie première en son genre de l’histoire de la musique, car entièrement chantée.

Les voix ont donc une importance cruciale dans la réussite de l’interprétation. Or le plateau de ce soir est exceptionnel ! En premier lieu, le chœur basque Orfeón Donostiarra. Ses attaques comme ses extinctions sont ultra-précises, les consonnes sonnent dans un ensemble parfait sans trop en faire, la diction est irréprochable. Il est capable de nuances spectaculaires, comme cette série de pianissimos vertigineux chez les sopranos dans le troisième mouvement. Et quand il tonne et gronde – et le texte l’y appelle souvent – il n’est jamais assourdissant.

Tarmo Peltokoski dirige la Sea Symphony de Ralph Vaughan Williams à Toulouse
© Romain Alcaraz

Les deux solistes sont du même niveau. Le chic anglais de Sir Simon Keenlyside fait fureur. Mobile devant son pupitre, chantant sa langue maternelle avec aisance et éloquence, il nous offre des poèmes de Walt Whitman une articulation parfaite. Chen Reiss, un peu timide dans ses premières strophes, avec un vibrato assez prononcé, dispose de la réserve de puissance nécessaire pour sublimer les plus vastes fortissimos de l’orchestre.

Quant aux Toulousains… quelle magnificence ! Dans un maelström ininterrompu où tout le monde joue ou chante presque tout le temps, l’ONCT parvient à restituer toutes les nuances et couleurs de la partition. D’abord, ces rythmes qui changent en permanence dans le premier mouvement. Ensuite, ce brouillard serein et épais du Largo, avec un son dégraissé et un sens de la mélodie grisant. Et puis ce scherzo en suspension où les effets maritimes culminent, bouillonnants. Enfin ces splendides harmonies parfois archaïsantes du dernier mouvement « The Explorers », jusqu’à cette extrême fin où l’eau disparaît dans le néant, violons et contrebasses alternant dans un morendo inouï de subtilité.

Tarmo Peltokoski dirige la Sea Symphony de Ralph Vaughan Williams à Toulouse
© Romain Alcaraz

Et celui qui maintient une unité dans cette foisonnante diversité, celui qui danse, intime, tire, chevauche, sublime, calme, gronde, soulève, c’est Tarmo Peltokoski. Au milieu des rappels enthousiastes d’une Halle aux grains pleine à craquer, le chef brandit la partition de la Sea Symphony : pari réussi.

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“celui qui danse, intime, tire, chevauche, sublime, calme, gronde, soulève, c’est Tarmo Peltokoski”
Critique faite à Halle aux grains, Toulouse, le 11 janvier 2025
Vaughan Williams, Symphony no. 1 "A Sea Symphony"
Tarmo Peltokoski, Direction
Chen Reiss, Soprano
Sir Simon Keenlyside, Baryton
Orfeón Donostiarra
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