Le Barbican Hall accueillait le BBC Symphony Orchestra et son chef Sakari Oramo, dont on a annoncé récemment le renouvellement à la tête de la formation londonienne jusqu’en 2020, pour un programme remarquable de cohérence. D’une part, en raison de son unité d’esprit. La tradition viennoise célébrée à travers trois de ses plus illustres représentants : Mozart, Schönberg et Richard Strauss. D'autre part, le programme rassemblait trois partitions au sein desquelles la question du timbre est centrale, et permettant par ailleurs une mise en avant des différentes sections de l'orchestre : la « Gran Partita » composée pour un ensemble à vent, la Nuit transfigurée pour six pupitres de cordes frottées, la Suite Der Rosenkavalier composée pour un orchestre symphonique au grand complet et qui en exploite toutes les possibilités avec exubérance. Enfin, un programme dont la succession des pièces portait en soi une mise en perspective historique pertinente - Strauss jetant un regard nostalgique vers Mozart par dessus l’épaule de Schönberg - mais, surtout, une exaltante gradation dramatique.
C'est d'abord un sentiment d'intimité partagée qui naît face à cet effectif restreint retenu par Mozart pour la Sérénade n° 10 en si bémol majeur pour vents, « Gran Partita ». La lumière y tient aussi son rôle. Une lumière tamisée, que réfléchit et adoucit encore le boisage ocre recouvrant chaque parcelle verticale, une lumière absorbée enfin par la pourpre de sièges au velours élimé. Dès les premiers accords, cette formation instrumentale particulière, qui paraît presque chétive placée au milieu de cette scène assez grande pour acceuillir un orchestre symphonique au grand complet, emplit toute la salle de sa rondeur acoustique. La mélodie que se partage le trio formé par le hautbois, la clarinette et le cor de basset dans l’adagio central laisse l’auditeur s’imprégner du riche spectre harmonique de ces instruments dont les longues notes tenues se dilatent au-dessus d’un tapis sonore fusionnant le timbre des bois et des cuivres. Malgré de récurrents frottements d’anches, certaines attaques brouillonnes et mal assurées de la part des cors et un contrebasson parfois morne et spumeux, la joie propre à la musique de Mozart s’est diffusée dans la salle, cette joie véhiculée miraculeusement par la rythmique gracile des lignes mélodiques, par la douceur des enchaînements harmoniques, et qui s’observe infailliblement sur le visage des musiciens, dans leurs mouvements, dans ceux - involontaires - de l’auditoire.