Après Les Troyens proposés l’année dernière sur deux soirées consécutives, le Festival Berlioz n'a pas inscrit d’opéra au programme de son édition 2024 mais l’oratorio L’Enfance du Christ. À La Côte-Saint-André, ville natale du compositeur où celui-ci a ensuite passé son enfance, ce sont les forces polonaises des chœur et orchestre du NFM de Wrocław qui viennent défendre cet ouvrage plutôt rarement représenté, malgré les beautés de sa partition. Le chef Paul McCreesh délaisse pour un soir son habituelle formation du Gabrieli Consort et construit une élégante et solide architecture musicale, capable également d’une grande sensibilité au cours des nombreux passages remplis d’émotion. Au fil des trois parties de cette « trilogie sacrée pour solistes, chœur, orchestre et orgue », on suit ainsi la toute petite enfance du Christ, plus précisément la fuite de sa famille en Égypte après la décision du roi Hérode de supprimer tous les nouveau-nés.

Régulièrement mis à contribution, les bois de l'orchestre se montrent suffisamment virtuoses, par exemple au cours de la section centrale rapide du long trio pour deux flûtes et harpe de la troisième partie, L'Arrivée à Saïs. Mais on apprécie tout autant le constant maintien d’un bon équilibre avec les forces chorales préparées par le chef de chœur Lionel Sow, directeur artistique du chœur du NFM de Wrocław. Même si les surtitres restent plus qu’utiles par moments, la qualité de diction du texte est excellente collectivement, bien meilleure qu’individuellement – les rôles très épisodiques du Centurion et de Polydorus sonneront avec assez peu de naturel à cet égard.
Les choristes font preuve d’une remarquable cohésion et précision rythmique, variant les nuances dans un large spectre. La fin de la deuxième partie, avec chœur et orgue en coulisses, produit ainsi son effet angélique. La conclusion de l’ouvrage également, avec ténor et chœur a cappella sur scène et huit choristes féminines en coulisses, met l’auditoire comme dans une sorte d’apesanteur mystique.
Il faut dire que cette dernière séquence bénéficie de l’intervention du ténor Laurence Kilsby, sans doute la plus belle voix du plateau. Déjà très apprécié ici-même l’année dernière en Iopas et Hylas dans Les Troyens, son timbre à la fois clair et ferme fait merveille, sachant aussi se faire angélique, éventuellement en voix mixte. La prononciation du texte se révèle également remarquable, qualité commune à la majorité de la distribution. Le baryton-basse Neal Davies incarne un Hérode en proie aux tourments les plus noirs dans son monologue Ô misère des rois ! L’instrument sonne tout de même comme celui d’un baryton, avec davantage de brillant dans le registre aigu. À l’opposé, Ashley Riches en père de famille hospitalier dispose d’un creux profond dans le grave et d’accents caverneux qui renforcent indéniablement son impact vocal, le style penchant toutefois un peu trop vers la déclamation par moments.
Au sein du couple Marie-Joseph, c’est Anna Stéphany qui impressionne le plus, mezzo-soprano dotée d’une fine musicalité et qui puise dans un long souffle pour conduire un chant raffiné et régulièrement d’une grande douceur. À ses côtés, le baryton Benjamin Appl ne démérite pas, mais sa qualité d’élocution du texte est un peu moindre et son impact vocal paraît manquer un peu d’ampleur, dans un rôle globalement assez peu développé.
À noter tout de même à la décharge des solistes que l’acoustique du lieu ne leur est pas favorable, à l'inverse de l’orchestre et des chœurs placés en fond de scène, presque adossés aux parois qui projettent le son. On tend ainsi régulièrement l’oreille vers certains rôles, qui peuvent rapidement se faire couvrir par les musiciens, malgré toute la bonne volonté du chef.
Le voyage d'Irma a été pris en charge par le Festival Berlioz.