Enfin la musique est de retour à et dans Notre-Dame ! Ce soir, après plusieurs années d'exil forcé, la Maîtrise Notre-Dame de Paris retrouve sa cathédrale pour un programme de nature à combler ceux qui croient au Ciel comme ceux qui n'y croient pas. Et de nature à nous faire oublier les errements des cérémonies et messes d'ouverture (les équipes de France Télévisions oubliant de mentionner les œuvres et les interprètes) de même que le piètre « Concert de Notre-Dame » télévisé, à la programmation très contestable.

La Maîtrise Notre-Dame de Paris dans la cathédrale © Msndp
La Maîtrise Notre-Dame de Paris dans la cathédrale
© Msndp

C'est au fond de l'église que la Maîtrise Notre-Dame de Paris entonne le Grand Salve Regina, dans une version conservée dans le plus ancien manuscrit du Saint-Sépulcre de Jérusalem, qui reflète la tradition parisienne du XIIe siècle. On surprend un voisin s'étonner de la modernité et de la simplicité de ce chant d'une pureté originelle... Le public n'ose pas applaudir et c'est tant mieux, parce que, comme en écho, du chœur même de la Cathédrale, devant cette pietà miraculeusement préservée de l'incendie du 15 avril 2019, le chœur d'enfants de la Maîtrise animé par Émilie Fleury prolonge la piété mariale avec un extrait du Livre vermeil de Montserrat, O Virgo splendens

Les chanteurs de la Maîtrise, dirigés par Henri Chalet, se répartissent ensuite dans les collatéraux de part et d'autre de la nef pour le Lux Aurumque de l'Américain Eric Whitacre, une pièce de l'an 2000 dont l'écriture modale, très new age, a valu un large succès à son auteur. La spatialisation produit pour le public une stéréophonie planante, à peine troublée par quelques frottements harmoniques qui se résolvent dans l'exaltation euphonique de « l'or pur » de la pierre blonde qui nous entoure.

L'œuvre qui suit est une commande de la Maîtrise Notre-Dame de Paris à la jeune compositrice française Lise Borel : son Regina Cæli a été créé en 2020 et constitue la très belle surprise de cette soirée. Cette fois-ci, la Maîtrise a pris place devant l'autel contemporain : les sonorités cristallines des sopranos créent une scansion hypnotisante, les harmonies changeantes, l'entremêlement des voix signent un petit chef-d'œuvre. 

Il ne saurait y avoir de musique à Notre-Dame sans la participation du grand orgue. L'un des titulaires, Vincent Dubois, a choisi une pièce de jeunesse d'Olivier Messiaen, dix longues minutes pour célébrer l'Apparition de l'Église éternelle. Au moins la partition a le mérite de la simplicité : un long crescendo-decrescendo, des accords progressant par à-plats chromatiques, de longues tenues – quand on croit que c'est fini, ça recommence ! Pas sûr que le public peu familier du style de Messiaen ait beaucoup apprécié, même si l'œuvre permet de faire entendre tous les registres et toutes les nuances du grand orgue retrouvé. 

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La Maîtrise Notre-Dame de Paris dans la cathédrale
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Pour conclure en beauté cette résurrection de la musique dans Notre-Dame, on ne pouvait faire meilleur choix que le Magnificat de Bach. On avait aperçu au premier rang la silhouette familière d'Emmanuelle Haïm : elle « prête » ce soir son Concert d'Astrée à Henri Chalet et à la Maîtrise Notre-Dame de Paris en grande formation. On appréhende un peu le résultat acoustique, surtout pour une œuvre conçue pour le cadre plus intime de la Thomaskirche de Leipzig dont Bach était le cantor.

Henri Chalet surprend par un tempo initial moins vif que d'ordinaire mais il a parfaitement raison, c'est le seul moyen de conserver la lisibilité de ses forces chorales. D'autant que rien n'atténue la jubilation des chanteurs, rehaussée par les trompettes du Concert d'Astrée. Les organisateurs ont fait appel à cinq solistes français, dont deux sont d'anciens de la Maîtrise Notre-Dame de Paris. La ferveur, la tenue, la justesse d'Eva Zaïcik, Sandrine Piau, Guilhem Worms, Lucile Richardot et Julien Behr (par ordre d'entrée en scène) sont dignes de tous les éloges, le duo alto-ténor dans « Et misericordia » nous émeut aux larmes, jusqu'à ce que les trois voix de femmes mêlées au hautbois de Jean-Marc Philippe nous laissent dans un état d'absolue sérénité. Avant que la Maîtrise Notre-Dame de Paris ne témoigne encore dans la grande fugue à cinq voix et le « Gloria Patri » final d'une homogénéité admirable.

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