Dans le cadre de la saison France-Brésil 2025, le Théâtre de la Ville accueille cet automne le Balé da Cidade de São Paulo qui présente deux œuvres débordantes d’énergie conçues par la chorégraphe Rafaela Sahyoun. En ce mardi de première, la fougue des interprètes et la vitalité des bandes sons ont électrisé le public parisien avec brio, même si la forte ressemblance entre les deux parties de soirée s’est avérée regrettable et a même nui à l’appréciation globale du spectacle.

Le Balé da Cidade de São Paulo © Stig de Lavor
Le Balé da Cidade de São Paulo
© Stig de Lavor

Alors que le rideau s’ouvre sur une brume qui semble elle-même frissonnante dans la pénombre, on découvre une petite vingtaine d’interprètes rassemblés au plateau, et leur simple présence, relativement calme au début, dégage instantanément une tension prometteuse. Les gestes d’une grande fluidité traversant de part en part ce groupe soudé viennent répondre aux mouvements de la musique diffusée (The Field / Joaquim Tomé). Cette musique électro, dont les vibrations diffusent un élan continu contagieux entre les danseurs, va se déployer de plus en plus et gagner en intensité tout au long de la pièce, avec quelques contrastes, parfois de courts répits, mais surtout des moments d’une frénésie hallucinante.

Comme s’ils devenaient vraiment opérationnels à la suite d'un échauffement, les danseurs se mettent à activer leurs membres de façon de plus en plus ample et dynamique, et se répartissent sur toute la scène – ils s’en emparent à proprement parler. Puis le groupe s’enflamme et devient la pulsation furieuse envoyée à plein régime : leurs corps se soulèvent encore et encore au rythme des basses et libèrent ce faisant une joie irrésistible. La fête euphorique qui éclate ainsi devant un public captivé brille de mille feux, en premier lieu grâce à l’engagement physique absolu de chacun des interprètes, mais aussi grâce à leurs costumes colorés, leurs sourires éclatants, la complicité qui se dégage de leur persévérance dans l’effort et le défoulement. Cette énergie déjà spectaculaire en tant que telle voit en outre sa portée amplifiée par la scénographie : un grand miroir surplombant la troupe et réfléchissant par conséquent tous les sauts et les déplacements. Les lumières aux teintes vives, alternant régulièrement avec des atmosphères feutrées, viennent aussi renforcer l’effet éblouissant de ce sympathique divertissement.

Quelques passages plus calmes instaurent une forme de détente, sans que ces passages s’avèrent indispensables pour autant, avec des séquences au sol et des interactions entre danseurs pas toujours réussies visuellement – et un peu fades du fait de leur juxtaposition avec le reste. Mais l’ardeur s’empare à nouveau des corps et un flux à l’entrain renouvelé les emporte dans des festivités qui semblent inarrêtables, jusqu’au noir de fin – qui n’empêche pas la musique de se poursuivre quelques secondes encore, car une transe ne peut pas être stoppée net !

Au-delà du caractère flamboyant de la pièce, ce sont la technique, la précision et le charisme des interprètes qui sont à couper le souffle. Pour aller même plus loin, le matériau chorégraphique fondé sur un procédé répétitif prend de fait sens grâce à l’interprétation hautement engagée des danseurs.

Si le programme avait été composé de Fôlego uniquement, on aurait pu rester sur cette impression enjouée. Le problème principal de la soirée, c’est que face au deuxième ballet donné après l’entracte (Boca Abissal), on a l’impression malaisante de revoir la même chorégraphie – avec quelques changements, bien sûr : une musique de Yantó assez éclectique, des costumes plus stylisés, un schéma narratif un peu moins à l’unisson. Mais globalement, le concept est peu ou prou identique, et tout cela devient malheureusement légèrement lassant. C’est dommage, surtout vu le niveau des interprètes qu’on aurait adoré découvrir dans un autre style.

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