En effectif léger, les Vox Luminis réunissent le public bruxellois autour de Johann Sebastian Bach et Dietrich Buxtehude en cette fin d’après-midi pluvieuse. Lorsque s’ouvre le concert avec la Cantate BWV 106 « Gottes Zeit, ist die allerbeste Zeit » de Bach, on se retrouve fortement tiraillés entre un ensemble instrumental éloquent, coloré et dynamique et un quatuor vocal assez terne et très déséquilibré. En effet, les timbres intrinsèquement plaisants des quatre solistes ne parviennent pas toujours à masquer un manque d’inventivité dans les phrasés et d’engagement dans le texte. Malgré tout, l’aspect instrumental de la voix de soprano permet des envolées très gracieuses et la basse, sonore et charpentée, maintient bien souvent à elle seule la cohérence au sein du quatuor. Si l’on peut également saluer une agilité redoutable dans le « Amen » final, c’est vers les instrumentistes que notre oreille s’attarde. Véritable moteur du discours, l’orgue structure cette musique et donne à l’ensemble un aspect très vivant. Quant aux flûtes, en dépit de quelques soucis de justesse, leurs prises de parole sont toujours empreintes d’une grande délicatesse et apportent beaucoup de poésie.
Lorsqu’arrivent les violons et les autres chanteurs du chœur pour les cantates de Buxtehude, les mêmes incohérences persistent ; l’ensemble instrumental paraît plus investi et plus moteur du texte que les chanteurs. Cependant, la Cantate « Gott hilf mir » a pour particularité de mettre en avant une sublime mais non moins périlleuse partie de basse. Le baryton Sebastian Myrus s’acquitte à la perfection de cette partition. Les graves sont ronds et sonores, comme un écho aux basses de l’orgue, et malgré quelques aigus un peu nasillards, la longueur des phrasés et la fluidité des vocalises nous captivent véritablement. Il ressort également beaucoup de noblesse et d’humanité de cette interprétation délivrée avec un visage neutre : c’est avec la seule chaleur de sa voix que le soliste parvient à nous toucher.
Le reste du concert paraît plus irrégulier : les musiciens se laissent parfois aller dans une optique très mécanique et finalement assez froide de cette musique. La Cantate « Herzlich lieb hab’ ich dich, o Herr » oscille constamment entre l’ennui et l’action ; de par de beaux contrastes et une réelle élégance dans les ornements, l'ensemble parvient à redynamiser et relancer une interprétation qui parfois s’enlise dans un gris morne et anémiant. On aurait pu souhaiter une plus grande proximité avec le texte et un engagement physique plus affirmé, en particulier lors des « Amen » qui ne transmettent pas toute l’exaltation attendue. Malgré ce manque de ferveur, la partition est tout de même magnifiée par la clarté du contrepoint, l’aisance vocale du chœur et les qualités dramatiques indéniables des instrumentistes. C’est donc avec plaisir que l’on retournera écouter les Vox Luminis à Bruxelles, surtout lorsque l’on a en tête les sublimes concerts qu’ils y ont donnés l’an passé.