En cette soirée du 3 juillet au Festival d’Hardelot, Véronique Gens revient au baroque français cher à ses débuts et propose avec l’ensemble Les Surprises en petit effectif un florilège de pages de Lully et de ses successeurs Collasse, Destouches, Desmarets et Francœur.

Véronique Gens et Les Surprises, sous la direction de Louis-Noël Bestion de Camboulas
© Pascal Brunet

C’est aussi l’occasion d’évoquer la première grande cantatrice et pédagogue du chant Marie Le Rochois qui créa les rôles des dernières tragédies lyriques du Florentin ainsi que celui de Médée de Charpentier. Sous la forme d’un opéra imaginaire, d’un pasticcio à la française, la soprano à la tessiture singulière a convoqué la plupart des héroïnes tragiques dont Lully a créé le prototype en s’inspirant de l’art déclamatoire de la Champmeslé. Sur le papier, cette playlist de points culminants semble redondante ; fort heureusement Louis-Noël Bestion de Camboulas a ménagé quelques aires de repos, notamment « Le sommeil » de La Diane de Fontainebleau de Desmarest ou cette superbe « Sarabande Dieux des Enfers » dont l’instrumentation s’enrichit au fil des reprises depuis un simple duo viole et basse de violon.

L’ouverture de Persée donne le ton : on retrouve l’énergie généreuse, le bel équilibre basse et dessus et la sûreté de phrasé que partagent les meilleures phalanges françaises comme Les Ambassadeurs… en petit format. La moindre danse est supérieurement réalisée (quelle belle flûte dans l’Air pour les Néréides !), l’écoute mutuelle bien présente et le jeune chef maîtrise particulièrement la construction des scènes les plus développées comme cette « Pompe Funèbre » noble et implacable. Quelques disparités d’intonation entre les basses, une tempête rythmiquement fluctuante ne gâcheront pas une réalisation le plus souvent superlative.

Véronique Gens
© Pascal Brunet

On attendait beaucoup de Véronique Gens dans son répertoire de prédilection, elle semble s’économiser jusque dans le fameux récitatif d’Armide « Enfin il est en ma puissance », modèle dramatique détesté par Rousseau et défendu par Rameau lui-même. Moins enflammée que de coutume, elle unit cependant son timbre moiré avec les riches textures de l’orchestre et la moindre inflexion s’appuie sur un continuo redoutablement précis et souple. L’« Espoir si cher » d’Atys est raisonnablement expressif bien que sur la réserve ; est-ce une fatigue passagère qui teinte les épisodes les plus doux d’une manière d’indifférence ?

Ce programme finement conçu souligne à quel point Lully invente l’orchestre moderne et les topos du drame en musique, et montre de quelle manière Charpentier (son supposé rival) rend hommage à son style dans Médée. Suivie de l’« Air pour les esprits malfaisants » de Rebel, la scène « Quel prix de mon amour » complétera un panorama fort complet. Le chœur réduit à un par voix caractérise convenablement affliction ou noirceur, une habile utilisation des lieux (au balcon, divisé, à l’avant-scène) singularise efficacement chacune de ses interventions. En bis la chaconne d’Acis et Galatée « Sous ses lois l’amour veut qu’on jouisse » conclut un concert de belle tenue.

Le chœur des Surprises
© Pascal Brunet

Le voyage de Philippe a été pris en charge par le Midsummer Festival d'Hardelot.

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