De la Bastille au courant impressionniste en passant par les guerres napoléoniennes, un vent continental soufflera cet été sur la verte campagne galloise : du 12 au 28 juin prochains, le Festival de Gregynog, l'un des plus anciens de son genre, portera les couleurs du drapeau tricolore en divers endroits du Pays de Galles, axant sa programmation autour de l'esprit révolutionnaire français. Des artistes et compositeurs de renom viendront d'outre-Manche pour rendre compte d'une histoire mouvementée, et du lien - plus fort qu'il n'y paraît - entre les deux pays.
Le Festival doit son origine à deux sœurs mécènes, Gwendoline et Margaret Davies, à qui l'on rendra hommage dans un premier week-end. C'est le plus grand ambassadeur actuel de la harpe française qui ouvrira les festivités le 12 juin, Xavier de Maistre, et ce dans la galerie Gregynog du National Museum de Cardiff, dont les tableaux ont été rassemblés par les deux sœurs. Le programme entrera en résonance avec les merveilleux tableaux de Cézanne, Monet et Van Gogh qui lui serviront d'écrin, et prolongera l'exploration contemporaine avec une création du compositeur français Richard Dubugnon.
Conférences et concerts commentés illustreront le lien culturel très fort que les sœurs Davies ont établi entre leur pays et la France, grâce notamment au pianiste Iwan Llewelyn-Jones qui donnera un récital "Le piano parisien en pays de Galles" dans la National Library of Wales de Aberystwyth ou au Quatuor Escher qui en programmant le dernier quatuor à cordes de Vincent D'Indy, fera revivre le Conservatoire créé par Gwendoline en 1914, premier établissement d'enseignement musical en terre galloise.
Nous allumerons les bougies avec la Society of Strange and Ancient Instruments - comprenez "strange" comme "étranger" ; dans un moment qui promet d'être magique, l'ensemble recréera l'un de ces concerts dits "historiques" donnés à Paris alors que les sœurs Davies choisissaient les tableaux de leur future collection de Cardiff. Le musée Davies ouvrira également ses portes le 15 juin ; ne manquez pas de visiter la maison natale des deux soeurs et ainsi d'ouvrir la porte à la délicieuse atmosphère de la Belle Époque.
Un deuxième temps fort du festival sera consacré aux célébrations de la Bataille de Waterloo (concerts, projection, dégustation culinaire...). Il y a de cela 200 ans, la fièvre napoléonienne était éteinte par une Europe coalisée dans la « morne plaine » de Belgique, et de nombreux officiers français, prisonniers de guerre anciennement retenus au Pays de Galles, y trouvèrent la mort. Ceux-ci avaient apporté un sens de la culture française, alors très prisée, au pays ; de croustillantes histoires autour de ce sujet referont surface ! Le 19 juin, vous danserez également avec les London Handel Players et les maîtres de ballet Mary Collins et Steven Player au cours d'une journée-atelier qui se tiendra selon les codes du bal donné à Bruxelles, le soir même de la défaite.
Qui dit révolution musicale dit aussi facture instrumentale ; c'est avec un souci d'authenticité que nous entendrons l'ensemble Fantasticus le 17 juin au Château de Powis dans un fascinant programme baroque français, et l'ensemble Amarillis dirigé par Héloïse Gaillard le 20. La veille, la flûte de Rachel Brown accompagnée par The Revolutionary Drawing Room proposera un tour européen des compositeurs ayant connu la Révolution française de 1789 (Giovanni Battista Viotti, Joseph Haydn, François-Joseph Gossec...). La harpe de Marie-Antoinette et de l'impératrice Joséphine fera réentendre sa délicate sonorité avec le récital de Masumi Nagasawa le 20 juin. Un duo violon et clavecin extrait des Folies françoises, l'un des ensembles majeurs de la scène baroque française, proposera un récital autour du séjour de Mozart à Paris et fera notamment entendre une sonate du Chevalier de Saint-Georges, prodigieux violoniste guadeloupéen qui œuvra en faveur de l'abolition de l'esclavage. Kristian Bezuidenhout au pianoforte et les merveilleux Talens Lyriques de Christophe Rousset (dont ce seront les débuts gallois) termineront les concerts sur instruments d'époque du Festival de Gregynog.
Dernier temps fort du festival, le week-end de clôture fera entendre le modernisme des couleurs musicales introduites à la fin du 19ème siècle et au cours du 20ème. Les débuts de Stéphanie d'Oustrac en terre galloise, future Carmen du Festival de Glyndebourne, sont très attendus. Elle nous fera entrer dans l'intimité d'un salon français de la Belle Époque avec les mélodies de Reynaldo Hahn et de ses pairs. L'immense pianiste Anne Queffélec dont l'enregistrement Satie fait autorité nous bercera de son piano en forme de poire dans la salle de concert de Gregynog le 27 juin, tandis que Thierry Pécou et son Ensemble Variances, parmi les plus prisés de la scène contemporaine, alternera ses créations aux titres évocateurs (Soleil-Tigre...) avec l'œuvre de Scriabine, portée notamment par le talentueux pianiste russe Alexander Melnikov.
La francophonie donnera le fin mot au Festival de Gregynog : c'est à l'ensemble belge Vox Luminis qu'incombe la belle tâche de clôturer l'édition du festival. Ils le feront à l'église de Montgomery dans un répertoire qui leur est cher et dans lequel ils excellent, Marc-Antoine Charpentier et Henri Dumont.