L’une des distinctions majeures de la composition chorale par rapport à l’écriture de la musique est bien-entendu l’usage des mots. Choisir un texte adapté à la musique est souvent décisif dans le succès de l’oeuvre chorale. Il arrive parfois que les mots que vous prononcez soient choisis pour et non par vous. C’est souvent le cas pour la musique d’église ou sacrée, où il peut vous être demandé d’écrire l’accompagnement instrumental du Mass, Canticles (Magnificat et Nunc Dimittis), un hymne, ou un motet pour un jour ou une période spécifique de l’année.

Les oeuvres de concerts vous offrent une plus grande flexibilité et peuvent souvent s’inscrire dans une thématique particulière, qu’il peut être amusant d’explorer. Vous avez parfois le luxe de mettre en musique les tout derniers vers d’un grand poète. L’autre élément essentiel, du moins selon moi, est la composition sensible (et sensée) pour les voix. En tant que chanteur, j’ai personnellement toujours analysé la composition des oeuvres chorales du point de vue du chanteur. Les lignes pour voix sont-elles cohérentes? Sont-elles exécutables? Les textes et harmonies sont-ils logiques? Le troisième aspect, qui s’applique à tout type de composition, concerne la perception de la musique de concert par l’auditeur ou le public (c’est finalement l’objectif final), et les éléments musicaux qui captivent l’auditeur et rendent ainsi l’oeuvre plus intéressante. Je trouve personnellement (et de plus en plus, à ma plus grande frustration) qu’une grande partie de la musique chorale qui est écrite aujourd’hui est légèrement plus que de la simple musique d’”ambiance”, elle sonne plutôt que résonne. Il ne tient bien sûr qu’à chacun de décider de ce qui lui convient (la musique est après tout le plus subjectif de tous les arts) mais il en incombe davantage au compositeur de mettre une voix sur les mots et de révéler leur sens d’une manière consciencieuse et intelligente.

Les compositeurs peuvent être amenés à devoir relever d’autres défis, comme la question de savoir si la composition vocale doit être accompagnée instrumentalement ou non. Les deux styles offrent des possibilités intéressantes, ainsi qu’une obligation du compositeur de comprendre et connaître les instruments pour lesquels il écrit. La musique sacrée requiert presque systématiquement l’accompagnement d’un orgue: ne vous aventurez pas à écrire de la musique pour orge à moins de savoir précisément ce que vous faites, les organistes ont la réputation d’être spéciaux ! Savoir dans quelle mesure l’accompagnement musical doit aider les lignes vocales ou s’en défaire et rester indépendant prête également à réflexion. Beaucoup de commandes (par lesquelles un choeur ou une organisation demande à un compositeur d’écrire une oeuvre) concernent souvent un spectacle dans une salle particulière, et donc dans un environnement acoustique spécifique. Ce qui peut avoir un effet conséquent sur l’exécution de l’oeuvre elle-même et devrait donc être systématiquement pris en compte dans le processus de composition. L’une des grandes responsabilités du compositeur est également sa conscience des capacités des chanteurs pour lesquels il écrit. Les choeurs peuvent être de toute taille, de toute forme et de tous niveaux ! Il faut considérer des aspects tel que le registre vocal, la répartition des sections, le spectre mélodique et la longueur des phrases, la complexité harmonique et bien d’autres. Certaines des compositions chorales les plus simples (par exemple The Lamb de John Tavener) peuvent être très impressionantes quand elles sont chantées par n’importe quel choeur, quelles que soient ses capacités vocales.

Mettre des mots en musique ne peut être qu’une affaire de compositeurs. Certains aiment définir un aperçu d’ensemble de la pièce (clé, rythme, structure, et surtout le rythme et la forme du texte) avant de mettre le tout par écrit. D’autres préfèrent une approche plus organique, en partant du noyaux de l’idée et en regardant comment il se développe au fur et à mesure que le travail de composition avance. L’utilisation d’un piano ou autre clavier comme aide à la composition est un sujet largement débattu: la structure mélodique et harmonique ne devrait-elle pas simplement être dans la tête du compositeur, plutôt que donnée à et par un clavier? Il est probablement vrai que l’effet percutant d’un piano n’a rien à voir avec la voix humaine, et que l’utilisation d’un clavier compromet donc une approche de l’écriture plus naturelle.

L’autre évolution majeure de ces vingt dernières années est le développement de l’écriture informatisée destiné à faciliter la production de partitions. Le temps de l’écriture des partitions pour chorales à la main, avec des paroles et des notations à peine lisibles, est quasiment révolu. Bon nombre de professeurs de composition “conventionnels” sont partisans de l’utilisation du crayon et du papier manuscrit comme outil pour les compositeurs sérieux, mais, lorsqu’elle est bien utilisée, l’écriture informatique (Sibelius et Finale sont les leaders sur le marché) peut être un outil utile et puissant. Ce système permettant de corriger ce que l’on vient d’écrire et proposant même des outils de correction automatique peut être bénéfique et faire économiser un temps précieux. Le résultat final doit selon moi être une composition qui présente de l’intérêt; est construit avec attention et parcimonie, et transporte nécessairement l’auditeur.

Traduit de l'anglais au français par Martin Arnaud.