La saison estivale voit les mélomanes parcourir l’Europe pour assouvir leur passion. Glyndebourne et ses innombrables imitateurs en Angleterre, Savonlinna en Finlande ou encore Salzbourg sont des destinations prisées. Une destination dans le Sud de la France attire le connaisseur : Aix-en-Provence. Fondé en 1948, dans l’effervescence culturelle qui fait suite à la Seconde Guerre Mondiale avec la création des festivals de Cannes et d’Avignon, le Festival d'Aix-en-Provence n’est cependant pas qu’une destination lyrique. Le festival propose également un nombre important de concerts et de récitals tout au long du mois de Juillet, et accueille un public aussi bien local qu’international attiré par son cadre, la douceur de son climat, sa scène à ciel ouvert et sa vision artistique.

Le festival a été fondé par Gabriel Dussurget avec le soutien financier de la Comtesse Lily Pastré. Ensemble, et après avoir cherché dans la région la localisation idéale, ils se sont arrêtés sur Aix-en-Provence, et sa cour de l’Archevêché en particulier. Si Dussurget n’y trouva alors que « des murs lépreux, une fontaine qui naturellement ne coulait pas et un arbre qui s’élevait comme une main vers le ciel », il eut néanmoins une vision claire de ce que cet emplacement offrait comme potentialité. Le Théâtre de l’Archevêché, merveille au sein de l’architecture aixoise, évoque le passé de la ville et incarne aujourd’hui l’image du festival. Le Théâtre du Jeu de Paume – où Louis XIV avait l’habitude de pratiquer ce sport proche du tennis – et le Grand Théâtre de Provence, inauguré en juillet 2007 avec une représentation de La Walkyrie de Wagner complètent le panorama des salles.

Dans les années 1950, le Festival d’Aix-en-Provence s’est imposé sur la scène internationale.Mais l’espace restreint ne pouvant accueillir de grandes formations, Mozart et la musique baroque constituent depuis toujours le cœur de la programmation lyrique. La première production montée à Aix-en-Provence fut Così fan tutte de Mozart – redonnée pour la première en France depuis 1826 ! Così était à nouveau à l’affiche l’an passé, dans une mise en scène saisissante de Christophe Honoré bien qu’elle ait fait débat. Avant-dernière édition sous la direction artistique de Bernard Foccroulle, 2017 accueille Don Giovanni dirigé par Jérémie Rhorer, l’un des plus prometteurs mozartiens de sa génération avec son jeune orchestre Le Cercle de l'harmonie. Don Giovanni est parfois considéré comme une gageure pour tout metteur scène, et on a hâte de découvrir la proposition de Jean-François Sivadier. Elle peut s’appuyer sur un excellent casting, avec notamment Philippe Sly dans le rôle titre et Nahuel di Pierro sous les traits de son serviteur Leporello. Eleanora Buratto, Isabel Leonard et Julie Fuchs sont toutes trois destinées à compléter le catalogue de ses conquêtes.

La dernière production aixoise de Don Giovanni était signée Dmitri Tcherniakov en 2013. Ardent défenseur du répertoire russe moins connu, l’enfant terrible de la mise en scène contemporaine s’est surtout fait un nom avec ses relectures iconoclastes des grands classiques. Il revient cette année avec Carmen – probablement l’œuvre la plus connue du répertoire lyrique. Il est peu probable qu’il situe l’action dans une Séville stéréotypée, il cherchera peut-être à explorer les tensions du livret avec un réalisme cru, se rapprochant en cela de la nouvelle de Mérimée. Le Festival d'Aix-en-Provence a la chance de s’être assuré les services de Stéphanie d'Oustrac dans le rôle de Carmen – une des rares mezzo françaises à y exceller comme elle eut l’occasion de le démontrer lors d’une reprise à Glyndebourne. La star montante Michael Fabiano interprète Don José tandis que Teddy Tahu Rhodes prête ses traits au charismatique toréador Escamillo.

Aix-en-Provence participe à des co-productions avec les plus importantes maisons européennes. Cette année fera découvrir la première de The Rake’s Progress mis en scène par Simon McBurney, avant que le Dutch National Opera accueille la production la saison prochaine. Stravinsky s’inspire de la série de peintures réalisées par William Hogarth, série connue sous le nom de La Carrière d'un libertin qui représente les épisodes de la vie d’un libertin anglais du 18e siècle avec de nombreux détails satiriques. Tom Rakewell abandonne Anne Trulove pour les feux de la vie londonienne, poussé par Nick Shadow qui s’avère être le diable. Après plusieurs mésaventures, Tom est interné à Bedlam, un hôpital pour fous. Après une Flûte enchantée pleine d’invention (une autre co-production DNO/Aix-en-Provence), cette nouvelle mise en scène du chef d’œuvre néo-classique de Stravinsky par McBurney est très attendue.

L’opéra contemporain est une composante importante du festival. L’un des plus grands succès de ces dernières années est incontestablement Written on Skin de George Benjamin, commande du Festival d’Aix-en-Provence qui a depuis conquis les scènes les plus importantes. C’est au tour du compositeur Philippe Boesmans avec un opéra dont le livret, signé Joël Pommerat, réactualise le conte Pinocchio de Carlo Collodi. Le baryton Stéphane Degout, qui prendra part à cette création, nous en a donné en février dernier un avant-goût : “le Pinocchio de Pommerat n’est pas un joli bout de bois. C’est une création qui échappe totalement à son créateur (Geppetto) et dans le mauvais sens : à peine né il fait une crise d’ado”. Bien qu’il y ait une touche de surnaturel, cette relecture se fait l’écho de problématiques contemporaines.

Le cinquième opéra monté cette année devrait plaire aux amoureux de musique ancienne : Erismena de Cavalli. Créé à Venise en 1655, Erismena est le premier opéra traduit en anglais, bien qu'on ne sache pas s'il a jamais été donné outre-manche. Grand défenseur de la musique de Cavalli, Leonardo García Alarcón s’associe au metteur en scène Jean Bellorini pour faire revivre cette rareté sur scène.

Parmi les autres moments forts du festival, signalons la version de concert d’Eugène Onéguine par la troupe du Bolshoï (quel dommage que la mise en scène de Tcherniakov ne puisse accompagner les chanteurs !), et les concerts de l’Orchestre de Paris, de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée et de l’Orchestre Cappella Mediterranea. Depuis 2008, certaines représentations sont retransmises de par le monde à travers le réseau des instituts français ou via internet, mais le meilleur moyen de profiter de cette expérience unique est assurément de se rendre à Aix-en-Provence.

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Article sponsorisé par Agir publicité. Traduit de l'anglais par Nicolas Schotter.