Réaffirmant leurs affinités avec l’Auditorium de Lyon, l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes et Thomas Zehetmair ont séduit le public des bords du Rhône grâce à la délicatesse d’un programme nordique marqué par le Concerto pour piano en la mineur op. 54 de Robert Schumann, qui perle des doigts de François Dumont.

Le soliste met un accent délicat sur le lyrisme du premier mouvement, grâce à un toucher cristallin ici, une retenue prolongée là. Les spectateurs sont aussi suspendus à la ligne mélodique que le pianiste absorbé dans son jeu : François Dumont semble chanter lui-même les grandes phrases, de façon inaudible, de concert avec son instrument. Son dialogue avec l’orchestre est parfait : Thomas Zehetmair coordonne subtilement les échanges entre les deux partenaires, tout en laissant l’épanouissement nécessaire aux solos, comme ceux du hautbois et de la clarinette, alignés dans leur chant sur celui du piano. Les tons épiques du finale, quant à eux, ont cette précision qui permet de préparer une arrivée triomphale. Déjà remarquable dans Schumann, la palette sonore que le soliste offre au public en bis dans le Nocturne n° 20 en ut dièse mineur de Chopin semble s’enrichir encore, avec des notes ouatées, sotto voce, mais aussi avec la clarté limpide des petites galopades, jusqu’à la descente finale qui se déverse en légèreté, telle une poudre d’étoiles.
Avec le Quatuor à cordes n° 2 d'Edvard Grieg, le premier chef invité des Auvergnats avait auparavant montré non seulement son appétence pour l’univers sonore nordique, mais aussi son talent d’arrangeur. Thomas Zehetmair élargit en effet le quatuor traditionnel à vingt instrumentistes, dont deux contrebasses, conférant ainsi une profondeur particulière à cette œuvre, rarement entendu en raison de son inachèvement. L’orchestre brille dès cette ouverture par son homogénéité veloutée, qui sied particulièrement bien au premier mouvement, dont l’élégance perce tant dans le bercement dansant initial que dans les chromatismes subséquents et les nervosités rythmés de la partition, faisant surgir ici dans notre imaginaire quelques feux follets virevoltant au-dessus d’un étang. Dans l’Allegro scherzando, les harmonies scandinaves permettent de goûter une ultime fois en cette fin septembre aux chaleureux rayons de l’été, illuminant la scène intérieure de danses traditionnelles du Nord.
Après les délectations de la première partie, on n’aurait presque plus besoin du morceau de résistance de cette soirée, mais l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes fait le sien pour apporter son éclat à la Symphonie « Eroica ». Thomas Zehetmair, dont les affinités avec Beethoven ne sont plus à démontrer, transmet par sa direction positivement nerveuse les accents marqués du premier mouvement, entamé dans un beau tempo, tout comme il rend vibrant le pathétique de la marche funèbre, qui suit dans le deuxième. Se dandinant dans les motifs champêtres de la suite, il sculpte les motifs fugués, bien lisibles, tout en apportant au finale une élégance riche en nuances. La connivence entre le chef et son orchestre, perceptible à l’oreille, se transmet aussi humainement, contaminant la salle des sensibilités venues ce soir des horizons septentrionaux.